Céphalées et migraines d'origine cervicale
L'EXISTENCE MEME de la migraine d'origine cervicale reste débattue. Elle n'est pas admise par l'International Headache Society (IHS) qui, en revanche, reconnaît celle des « céphalées d'origine cervicale ». Contrairement à l'IHS, l'International Association for Study of Pain (Iasp) accepte le terme, donc le concept, de « céphalée cervicogénique ». Cette controverse sur l'association cervicalgies, céphalées et migraines d'origine cervicale ne se limite pas aux sociétés savantes. Elle est également retrouvée entre les auteurs, en particulier en ce qui concerne leur prévalence.
Pour le Dr Yves Brodaty*, il ne faut pas faire de distinction absolue entre céphalées et migraines d'origine cervicale. Dans la pratique, l'important pour le médecin est de parvenir à reconnaître, parmi l'ensemble des céphalées et des migraines, celles dans lesquelles le rachis cervical a un rôle. En gardant à l'esprit deux notions importantes : plus de 80 % des migraines s'expriment par des douleurs de la tête et du cou et, de ce fait, peuvent conduire à des erreurs diagnostiques par excès, alors que, dans la réalité, seulement 1 ou 2 % des migraines sont d'origine cervicale. Dans ces cas, le facteur cervical ne constitue pas la cause, mais un facteur déclenchant de la migraine. Typiquement, le phénomène se produit chez un sujet d'âge moyen préalablement migraineux, le plus souvent une femme, à la suite d'un « coup du lapin » responsable d'une cervicalgie et, surtout, d'une cervico-occipitalgie type Arnold. « Lorsque cette cervico-occipitalgie survient sur un terrain migraineux, précise le Dr Brodaty, elle peut servir de "détonateur" occasionnel ou permanent à des crises de migraine. » Ces crises se manifestent par des douleurs commençant toujours du même côté. Elles sont habituellement unilatérales, mais peuvent diffuser à l'ensemble du crâne. « Le plus souvent, la douleur ou la sensibilité cervicale persiste entre les crises. »
Rechercher une cause curable.
Le diagnostic différentiel des céphalées d'origine cervicale doit être fait avec les autres céphalées postérieures que sont les céphalées de tension (qui regroupent les céphalées psychogènes et les céphalées à forte composante posturale) et les céphalées faisant partie de la symptomatologie d'une affection générale (hypertension artérielle, par exemple) ou d'une pathologie intracrânienne.
Dans tous les cas, « il ne faut pas passer à côté d'une cause curable », insiste le Dr Brodaty. La démarche, classique, repose sur l'interrogatoire, à la recherche notamment d'une histoire de traumatisme du rachis cervical, l'examen neurologique et la réalisation d'un bilan d'imagerie. Deux éléments capitaux doivent être systématiquement recherchés au cours de l'examen : d'une part, un syndrome de Claude Bernard-Horner (ptosis, myosis et énophtalmie) et, d'autre part, une asymétrie pupillaire qui, certes, peut être le signe d'une autre pathologie, mais représente un signe d'appel important en faveur d'une dissection carotidienne.
La dissection de l'artère vertébrale ou carotidienne est une urgence qui doit être reconnue. Certaines se manifestent, en effet, par des douleurs cervicales. En reprenant l'anamnèse de patients hospitalisés pour dissection vertébrale ou carotidienne, le Dr Brodaty, a retrouvé un certain nombre de cas dans lesquels les symptômes de la dissection avaient été considérés à tort comme des cervicalgies mécaniques et manipulées par des ostéopathes. Dans ces cas précis, les manipulations peuvent avoir des conséquences catastrophiques (augmentation de l'étendue de la dissection, voire infarctus cérébral). D'où l'intérêt de s'attacher, devant une cervico-occipitalgie ou des céphalées, à tout signe pouvant évoquer une dissection et imposant de ce fait des mesures d'urgence. « Pour cette raison, on peut affirmer que la manipulation n'est pas un geste anodin. Elle doit être douce, prudente et élective, et son indication doit être soigneusement pesée. »
En ce qui concerne les explorations complémentaires, la radiographie cervicale est le plus souvent suffisante. Si l'IRM n'est pas systématique, elle s'impose au moindre doute et devant toute migraine atypique.
Le traitement des authentiques céphalées et migraines d'origine cervicale, repose, selon l'école de Robert Maigne, sur des manipulations, à raison de trois séances pratiquées à huit jours d'intervalle, éventuellement associées à deux ou trois infiltrations au niveau C2-C3, siège du conflit initial. Dans plus de 80 % des cas, il donne de bons, voire de très bons résultats. Ensuite, la kinésithérapie posturale et la correction des positions durant le sommeil et les activités quotidiennes et professionnelles (conduite, travail devant un ordinateur, etc.) permettent, dans une certaine mesure, de prévenir les rechutes.
* D'après un entretien avec le Dr Yves Brodaty, service de neurologie, hôpital Lariboisière, Paris.
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