MIDGE ET PEPSI sont deux soeurs, castrées, âgées de 2 ans. Trois semaines plus tôt, Pepsi avait déjà été vue par le vétérinaire car elle semblait triste et mangeait de moins en moins. Et tout était rentré dans l'ordre. Puis les deux chattes sont tombées malades : diarrhée, vomissements, anorexie. En trois semaines, Pepsi a maigri, passant de 4,4 à 3,75 kg. Les deux chattes sont déshydratées et leurs muqueuses sont pâles. Les membranes nictitantes de Midge sont prolabées ; elle tangue en marchant et présente des tremblements fins des pavillons de l'oreille. Pepsi semble atteinte d'une hyperesthésie et présente une hypersalivation. Le vétérinaire garde les deux chattes pour leur administrer les premiers soins et rechercher une intoxication au plomb.
Décapage de la peinture.
On apprend que les propriétaires des chats ont renové leur maison, vieille de cent ans, dans les semaines précédentes, avec notamment le décapage à chaud de la vieille peinture.
Les chattes présentent une anémie modérée et une augmentation des transaminases. On les perfuse, on leur administre de la ranitidine et on les rase pour éliminer tout contaminant dans leur fourrure. Douze heures plus tard, elles vomissent encore ; à la moindre stimulation, elles présentent des spasmes myotoniques. On demande un dosage du plomb. En attendant, l'état des chattes continue de se détériorer ; on porte un diagnostic présomptif d'intoxication par le plomb, et on fait une chélation. Le laboratoire confirme le diagnostic : la concentration de plomb est de 1 348 µg/l chez Midge et de 687,2 µg/l chez Pepsi (normale : de 0 à 249 µg/l). Après sept jours de traitement, Midge meurt ; quant à Pepsi, sa concentration de plomb tombe à 215,8 µg/l. Et brutalement, à J9, elle se décide à manger à nouveau.
Dès que le diagnostic d'intoxication au plomb a été porté chez les chattes, le vétérinaire a conseillé à la femme enceinte de consulter son médecin généraliste. Sa plombémie est à 464 µg/l à la 29e semaine de gestation et à 506 à la 30e semaine (limite supérieure : 108,2 µg/l). Son hémoglobine est à 11 g/dl. Elle est adressée en milieu hospitalier ; la prise en charge comporte échographies, supplémentation en fer et surveillance accrue.
La plombémie est à 307 µg/l à 34 semaines et 232,3 µg/l à 38 semaines. Elle accouche à terme d'une fillette dont l'Apgar est à 9 à une minute et cinq minutes. Le poids de naissance est à 3,18 kg. La plombémie dans le sang du cordon est à 260 µg/l, pour un taux maternel à 200 µg/l. On ne fait pas de chélation à l'enfant. Il n'existe pas de signe d'encéphalopathie. Dans la période néonatale initiale, le développement de l'enfant se fait bien. Un mois après la naissance, la plombémie maternelle est à 209 µg/l ; le développement de l'enfant est normal à 6 et 9 mois. A 6 mois, la concentration de plomb de l'enfant est à 226 µg/l.
«A notre connaissance, c'est le premier cas de diagnostic d'intoxication au plomb assisté par un vétérinaire chez une femme enceinte asymptomatique», indiquent les Stergios Doumouchtsis et coll. qui rapportent cette histoire dans le « BMJ ». Les peintures à base de plomb ont été largement utilisées dans les maisons construites avant 1960. La rénovation peut générer des poussières de plomb ; les particules de plomb sont alors ingérées ou inhalées. En faisant leur toilette, les chats peuvent ingérer les particules de plomb qui ont contaminé leur fourrure et leurs pattes. Au cours de la grossesse, le plomb passe le placenta. Des taux élevés chez le foetus provoquent des troubles neurocomportementaux. L'exposition au plomb peut aussi interférer sur la grossesse elle-même : travail prématuré, anémie par déficit en fer, retard de croissance intra-utérin.
Les traitements chélateurs sont habituellement déconseillés chez les femmes enceintes. La vitamine C semble abaisser l'absorption du plomb.
« BMJ » du 25-30 décembre 2007, pp. 1302-1303.
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