B UDAPEST, en mai 1995. Un quadragénaire consulte pour une fatigue avec ictère et ascite. Depuis dix ans, il a des tremblements et des mouvements anormaux, pour lesquels il prend des antiparkinsoniens. Il ne boit de l'alcool qu'occasionnellement et modérément. Le bilan biologique et l'échographie sont en faveur d'une cirrhose. Il n'a pas de signes d'hépatites B ou C.
Son médecin traitant lui donne un diurétique et un bêtabloquant. Après une amélioration transitoire, son état s'aggrave ; il est hospitalisé pour une pneumonie et meurt au bout de quinze jours.
Sur le certificat de décès : cirrhose alcoolique, insuffisance hépatique, pneumonie, maladie de Parkinson. La famille refuse l'autopsie et le corps est incinéré.
Cinq ans plus tard, sur les conseils d'un ami médecin qui a entendu parler du cas, la famille frappe à la porte de l'hôpital. On réexamine le diagnostic. Les enfants (une fille de 24 ans et un fils de 31 ans) et les parents du défunt n'ont pas de trouble neurologique ou hépatique ; ils n'ont pas d'anneau de Kayser-Fleischer ; ils ont de discrètes anomalies de la céruléoplasmine, de l'excrétion urinaire du cuivre et d'un test à la D-pénicillamine.
On l'a compris : l'arrière-pensée est celle d'une maladie de Wilson. On fait donc une recherche génétique chez les enfants et les parents du défunt. Quant au défunt lui-même, on dispose d'une source de matériel biologique : son rasoir électrique que la famille, pour des raison sentimentales, a conservé et qui n'a servi à personne. Le rasoir contient en effet de très petites quantités de cellules cutanées et de poils. On recherche notamment la mutation H1069Q qui, en Europe centrale, y compris en Hongrie, est la plus fréquente des 200 mutations connues sur le gène en cause dans la maladie de Wilson. Résultat : le défunt, ses deux enfants et son père (mais pas sa mère) sont hétérozygotes pour la mutation H1069Q. On ne retrouve pas de mutation sur les exons 8 et 15. « Nous pensons que le père du patient et ses deux enfants asymptomatiques sont des porteurs sains (hétérozygotes vrais) de la mutation H1069Q) », indiquent les auteurs. Quant au patient, la mutation associée au tableau clinique suggère qu'il est mort d'une « maladie de Wilson non diagnostiquée et non traitée ». Il possédait probablement une mutation hétérozygote H1069Q et une autre mutation inconnue, donc des allèles avec deux mutations différentes, « comme la plupart des patients qui ont une maladie de Wilson patente », concluent les auteurs.
Gäbor Firneisz et coll. « Lancet » du 7 juillet 2001, p. 34.
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