Par le Pr Françoise Debiais*
UNE DENSITE MINERALE OSSEUSE (DMO) basse pendant la période préménopausique peut être soit secondaire à un faible pic de masse osseuse atteint entre 20 à 30 ans et/ou à une perte osseuse ultérieure à l'acquisition de ce pic de masse osseuse.
Des facteurs génétiques sont impliqués pour 50 à 80 % dans l'acquisition du pic de masse osseuse ; l'existence de ce composant génétique est démontrée par les études de jumeaux et les études familiales. Le rôle de certains gènes candidats, tels les gènes du récepteur de la vitamine D, du récepteur des estrogènes, du collagène de type I ou de gènes régulant l'axe hormone de croissance/IGF-I est étudié.
Les facteurs d'environnement - nutrition, apports calciques, exercice - jouent également un rôle dans l'acquisition du pic de masse osseuse et dans le maintien de celle-ci.
Des études transversales et un nombre limité d'études prospectives ont analysé l'impact des facteurs nutritionnels sur la masse osseuse des femmes avant la ménopause. Certains travaux ont mis en évidence une relation entre apports calciques et DMO fémorale et lombaire ; dans d'autres, la relation est plus complexe et fait intervenir également des apports adéquats de protéines. Des apports calciques suffisants, associés à une activité physique, ont un effet bénéfique additif sur la DMO de l'ordre de 3 à 7 % par rapport à de faibles apports calciques chez des femmes sédentaires.
L'analyse de l'effet de l'activité physique sur la masse osseuse est rendue difficile par l'hétérogénéité des études. Les résultats poolés des principales études randomisées montrent cependant une perte osseuse moindre de 1,5 % par an au rachis lombaire et 0,9 % au col fémoral après des exercices en charge.
L'imprégnation estrogénique est un facteur important. Une aménorrhée, primitive ou secondaire, est associée à une perte osseuse ; un hypogonadisme peut être secondaire à de nombreuses causes incluant une anorexie mentale, un exercice physique excessif, une hyperprolactinémie. Une oligoménorrhée, des cycles menstruels irréguliers, une diminution infraclinique des taux circulants d'estrogènes peuvent être également associés à une perte osseuse.
L'effet des contraceptifs oraux sur la DMO est débattu. La plupart des études n'ont pas retrouvé d'effet sur la masse osseuse ou ont relevé un effet négatif ; d'autres au contraire retrouvent un effet positif. Ces résultats divergents résultent de différences de dose, d'indication et de populations étudiées.
Au cours des derniers mois de la grossesse, il existe une perte osseuse trabéculaire, s'accompagnant d'une augmentation du remodelage osseux et régressant au moins partiellement en post-partum ; une perte osseuse est également notée au cours de l'allaitement. Ces modifications peuvent démasquer une ostéopénie ou une ostéoporose sous-jacente, d'autant qu'il peut s'y associer une carence vitamino-calcique ; quelques cas de fractures vertébrales ont ainsi été rapportés dans la littérature.
De nombreuses affections peuvent entraîner une perte osseuse chez la femme en préménopause : citons l'hyperparathyroïdie primitive, les rhumatismes inflammatoires chroniques, les maladies inflammatoires intestinales, un syndrome de malabsorption, l'existence de taux endogènes élevés de glucocorticoïdes au cours d'un syndrome de Cushing, etc.
Parmi les traitements, les glucocorticoïdes sont une cause importante de perte osseuse pendant la période préménopausique. Elle est rapide pendant les premiers mois, affecte le squelette axial et appendiculaire et est plus prononcée au rachis. Les principales autres causes médicamenteuses possibles sont la prise d'anticonvulsivants, la thyroxine, l'héparine, le lithium, les chimiothérapies, les analogues de la GnRH.
Quelle est la définition de l'ostéoporose chez la femme non ménopausée ?
La définition de l'ostéoporose, fondée sur la relation entre densité osseuse et risque fracturaire, a été établie pour une population de femmes ménopausées caucasiennes. La relation entre DMO et risque de fracture n'étant cependant pas bien définie chez les femmes non ménopausées, cette définition ne peut donc pas être appliquée à la femme non ménopausée.
A la suite d'une conférence de l'Iscd (International society for clinical densitometry) qui s'est tenue en 2003, il est conseillé d'utiliser le Z-score (comparaison à la moyenne des femmes de même âge de la population générale) chez la femme ménopausée et non le T-score (comparaison à la moyenne des femmes adultes jeunes). Les femmes ayant un Z-score < - 2 (valeur de plus de deux écarts types inférieure à la moyenne des femmes de même âge) peuvent être considérées non comme ayant une densité osseuse basse, sans que l'on puisse parler d'« ostéopénie » ou d'« ostéoporose». Celles ayant des risques spécifiques (traitement corticoïde, hypogonadisme, hyperparathyroïdie, par exemple) peuvent mériter le diagnostic d'ostéoporose car ces patientes ont un risque élevé de perte osseuse et de possible fracture. Le diagnostic d'ostéoporose dans cette population exigerait donc à la fois la présence d'un risque clinique et d'une densité basse.
Quand évoquer le diagnostic d'ostéoporose et réaliser une ostéo-densitométrie ?
Les fractures ostéoporotiques sont rares avant la ménopause et les femmes ayant un antécédent de fracture en préménopause ont un risque accru de fractures ultérieures pendant la période périménopausique ou après la ménopause.
Il n'existe pas de recommandations actuelles concernant la mesure de DMO chez la femme non ménopausée, en dehors d'une corticothérapie prolongée. Certains auteurs soulignent cependant que cet examen pourrait être demandé quand il existe une cause identifiable de perte osseuse : en cas de traitement par corticoïdes, d'aménorrhée primitive ou secondaire, de maladies associées à une perte osseuse, de fractures pour un traumatisme minime, d'endocrinopathie telle une hyperparathyroïdie.
La découverte d'une DMO basse en préménopause doit être suivie d'un interrogatoire détaillé, d'un examen clinique, de la recherche des facteurs de risque de fracture et des causes secondaires de perte osseuse et d'un bilan biologique.
Le traitement n'est actuellement pas codifié en cas de découverte d'une masse osseuse basse avant la ménopause. Les différents traitements anti-ostéoporotiques dont nous disposons ont été étudiés uniquement après la ménopause. Dans tous les cas, les mesures d'hygiène de vie sont cependant importantes.
Soulignons la nécessité de traiter la cause lorsqu'il existe une ostéoporose secondaire et l'importance de la prise en charge de l'ostéoporose cortisonique. La prévention et le traitement de l'ostéoporose cortisonique doivent être envisagés en cas de corticothérapie à une posologie ≥ 7,5 mg/j d'équivalent prednisone, pendant une durée prévue de trois mois ou plus. En plus des mesures générales, du traitement des carences en calcium et vitamine D, un traitement par bisphosphonate pourra être mis en route chez la femme non ménopausée si le T-score est inférieur à - 1,5. Une contraception efficace doit être suivie pendant ce traitement.
* Service de rhumatologie, hôpital de la Milétrie, Poitiers.
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