L’ostéo-arthropathie diabétique (OD) nerveuse, classiquement dénommée pied de Charcot, est une atteinte des os et des tissus mous du pied et de la cheville. Il survient chez des patients porteurs de neuropathie périphérique, dont l’une des principales étiologies est la neuropathie diabétique. L’OD se caractérise par l’association neuropathie sensitive et vasomotrice, aboutissant à un état inflammatoire localisé, à un risque de destruction osseuse et, à terme, de déformation du pied (le classique « bottom rock » notamment). On distinguera deux phases : la phase aiguë inflammatoire et la phase chronique, caractérisée par des déformations avec un risque majeur de trouble trophique (lire tableau).
Une épidémiologie existante mais peu informative.
La prévalence de l’OD varie entre 0,1 et 13 % selon les centres (1). Les chiffres disponibles sont malheureusement équivoques et très disparates. En effet, les données ne font pas la distinction entre l’OD aiguë et chronique, d’une part, et sont loin de tenir compte des biais de sélection des centres, d’autre part. Ainsi, dans les centres spécialisés, la prévalence peut atteindre 29 %. Il est, de plus, surprenant qu’au vu de la prévalence de la neuropathie chez nos patients diabétiques, celle-ci soit si faible. Il est donc essentiel de souligner que l’OD reste malheureusement sous-diagnostiquée, en lien avec la difficulté inhérente au diagnostic durant la phase aiguë. Pire, l’augmentation de la prévalence du diabète laisse penser que la celle de l’OD devrait suivre le même mouvement ces prochaines années. Il apparaît donc urgent de mettre en œuvre des moyens permettant la formation des personnels médicaux et paramédicaux au diagnostic et à la prise en charge de cette complication.
L’équilibre glycémique et le type de diabète semblent jouer un rôle, avec un ratio de deux tiers de patients diabétiques de type 2 pour un tiers de diabétiques de type 1, présentant majoritairement un contrôle glycémique sous-optimal. Les patients diabétiques ayant bénéficié d’une transplantation rénale constituent également un groupe à risque d’OD. Pour le Pr William Jeffcoate (Nottingham, Royaume-Uni), des facteurs précipitants la survenue d’une OD sont souvent retrouvés à l’interrogatoire : un traumatisme souvent mineur (dans environ 35 % des cas), un antécédent de trouble trophique (dans environ 35 %), voire un antécédent de chirurgie du pied dans les 6 derniers mois (environ 12 %). La survenue d’une atteinte bilatérale reste rare, mais possible, avec à nouveau de grandes disparités de fréquence, allant de 5,9 à 39,3 % (2).
Il est donc difficile de s’appuyer sur les données épidémiologiques existantes en clinique.
Des mécanismes physiopathologiques peu connus
Une surexpression de cytokines inflammatoires – dont le Tumor necrosis factor-alpha (TNF-α), reconnu pour favoriser le recrutement, la différenciation et la prolifération des ostéoclastes – est décrite chez les patients porteurs d’OD. De plus, l’axe Receptor activator for NF-kB (RANK), RANK ligand (RANKL) et ostéoprotégérine (OPG), semble également impliqué dans la physiopathologie de l’OD. RANK est un récepteur exprimé à la membrane des macrophages et des préostéoclastes. RANKL est une protéine exprimée par les cellules ostéoblastiques notamment. La liaison RANK – RANKL induit la différenciation des préostéoclastes en ostéoclastes matures et favorise la survie des ostéoclastes. L’action de RANKL est en revanche inhibée par l’OPG qui agit comme un récepteur leurre pour RANKL. Dans l’OD, une augmentation de RANKL est décrite, les raisons en restent mal comprises.
De plus, les changements biomécaniques secondaires à la neuropathie motrice vont aussi être responsables de microtraumatismes quotidiens. La survenue de microfractures s’accompagnera d’une surexpression des cytokines inflammatoires, dont TNF-α avec, pour conséquence, une augmentation des phénomènes ostéoclastiques.
Session AC-SY06. The enigmatic Charcot Foot. ADA 2014.
(1) Frykberg RG, Belczyk R. Epidemiology ot the Charcot foot. Clin Podiatr Med Surg 2008;25:17-28
(2) Armstrong DG, Lavery LA. Elevated peak plantar pressures in patients who have Charcot arthropathy. J Bone Joint Surg 1998;80-A(3):365-9
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