C'EST LA CONFIANCE DE CHACUN d'entre nous qui est ébranlée. Nous avions une admiration sans bornes pour ces ouvrages d'art et, depuis la rupture du barrage de Malpasset en 1959, nous n'avions pas assisté à un tel désastre sur un bâtiment conçu pour recevoir un très large public. Le 2E était magnifique sur le plan achitectural et l'idée que cette structure de 750 millions d'euros puisse être rasée est déchirante.
NOTRE CONFIANCE DANS LE GENIE HUMAIN EST EBRANLEE
De graves conséquences économiques.
Il sera sans doute très difficile de situer les responsabilités. L'accident n'est dû ni à un incendie, ni à une explosion, ni aux intempéries. Et quels que soient les doutes qui ont été exprimés dans la presse au sujet de sa réalisation, les vérifications d'experts se sont multipliées jusqu'à saturation. Un terminal de Roissy, ce n'est pas le stade de Furiani.
Rasé ou non, il suffirait que le bâtiment reste inutilisé pendant de longs moins pour que les conséquences économiques et financières soient énormes. D'abord, le nouveau terminal était indispensable pour acheminer un nombre croissant de passagers ; l'aéroport de Roissy sera donc très encombré pour une période illimitée, avec un inconfort supplémentare pour les passagers : on ne peut pas remplacer un terminal du jour au lendemain.
Ensuite, une reconstruction ou même des travaux de renforcement auraient un coût incalculable.
Enfin, Air France comptait sur le 2E pour ses vols lointains et surtout pour la mise en service, dans trois ans, de l'Airbus A380, l'avion géant capable de transporter 800 personnes sur de très longues distances. Nous sommes donc dans un cas de figure capable de peser sur la croissance et l'économie française n'avait pas besoin de ce désastre.
Crise de confiance.
Le plus grave, peut-être, c'est la crise de confiance qui va affecter les Français dans leur rapport avec la modernité. Ni les attentats ni les accidents (relativement nombreux) n'ont empêché durablement le développement du voyage aérien. Et nous entrions dans ces aéroports comme dans d'immenses cathédrales érigées à la gloire de la société postindustrielle. Nous les regardions comme des bâtiments invulnérables : jamais nous n'aurions pensé que nos ingénieurs fussent faillibles. On constatera peut-être, à la faveur de l'enquête, qu'ils ne le sont pas, que personne ne s'est trompé, sinon un sous-traitant qui n'aurait pas respecté une norme.
La confiance reviendra un jour, de la même manière qu'un déraillement n'arrête pas le trafic ferroviaire. Entre le progrès, avec ses risques, et l'immobilité, c'est toujours le premier que choisit une société moderne. Ce que beaucoup d'écologistes, d'ailleurs, n'ont pas compris, qui tentent de nous renvoyer au dénuement d'autrefois, lequel n'était ni moins dangereux ni moins polluant.
Perplexité, embarras, étonnement.
Comment faire face ? A la suite de nouveaux craquements, le 2E a été complètement évacué. Les employés dans les multiples services qu'il abritait refuseront vraisemblablement de continuer à y travailler si on ne leur apporte pas des certitudes quant à la solidité du bâtiment. Les passagers non plus ne seront pas encouragés à utiliser ce terminal. C'est seulement si l'enquête établit les circonstances exactes de l'accident, et si elle prouve que les facteurs de l'effondrement étaient strictement cantonnés à la zone détruite qu'on peut envisager un avenir pour le terminal.
La perplexité de l'achitecte, Paul Andreu, qui met en cause le béton utilisé, mais n'en a pas moins exprimé sa stupéfaction, l'embarras des autorités portuaires, confrontées à un problème insoluble, l'étonnement des experts (la structure s'est effondrée en l'absence de tout phénomène climatique) montrent que les délais seront très longs avant que l'aérogare soit rouverte et qu'il va bien falloir compter sur des solutions de remplacement très peu satisfaisantes. Dans un pays ou la sécurité est devenu un mot d'ordre national, l'accident du 2E apparaît moins comme un scandale que comme une autre de ces fatalités qui de l'orage incroyable de 1999 à la canicule de 2003 troublent la sérénité de nos concitoyens.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature