Katrina et Rita

Un désastre aussi pour la santé mentale

Publié le 15/06/2006
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Congrès annuel de l'American Psychiatric Association20-25 Mai 2006, Toronto

Là encore, La Nouvelle-Orléans a été particulièrement touchée, à commencer par l’université Tulane et le centre hospitalier des Vétérans. Si, pendant la crise aiguë, des coopérations relativement efficaces se sont développées entre ces structures et leurs homologues de Houston, au Texas, la situation « chronique » est très mauvaise ; la plupart des structures de soins sont détruites ou endommagées et il n’y a plus de lits d’hospitalisation en psychiatrie ; le nombre des psychiatres est passé de 196 à 22. De l’avis de nombreux psychiatres présents, ce désastre est d’autant plus mal géré que la Louisiane disposait auparavant de structures insuffisantes et que s’ajoutent aujourd’hui de nombreuses tracasseries administratives, notamment pour la répartition des fonds fédéraux.

Relativement peu de syndromes de stress posttraumatique.

Pourtant, le travail ne manque pas, en Louisiane comme dans le Mississippi, même si beaucoup de cas graves hospitalisés ont été transférés dans des centres du Nord, jusque dans l’Illinois. En effet, si les psychiatres notent la relative rareté et la relative bénignité des syndromes de stress posttraumatique, les professionnels sont confrontés à un nombre important de troubles psychiques et comportementaux : difficile travail de deuil des humains, mais aussi des milieux familiaux (habitats détruits, paysages ravagés) ; nombreux patients littéralement ralentis, voire tétanisés, ayant perdu leurs capacités d’adaptation, difficultés de concentration, irritabilité. Cette sorte de dépression collective faisant le lit de l’alcoolisme et des toxicomanies. De nombreux décès sont encore observés chez les personnes âgées mentalement détériorées car elles ont perdu la plupart de leurs repères et de leurs soutiens.

Il est vrai que, dans plusieurs localités, la situation s’est nettement améliorée et que, heureusement, beaucoup de résidents se sont révélés remarquablement résilients. Mais, aux niveaux collectifs et individuels, ces progrès sont très partiels et fragiles : raison pour laquelle les psychiatres redoutent beaucoup le retour de la saison des ouragans, à partir du mois de juin. D’une part, parce que la coordination des systèmes de secours est loin d’être parfaite, et aussi, parce que l’on peut redouter les effets d’ouragans même peu importants (même de fausses alertes) sur des psychismes toujours très fragiles et perturbés, alors que beaucoup d’habitants survivent encore plus qu’ils ne vivent dans des habitats précaires.

> Dr Alain MARIE

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7980