De notre correspondante
à New York
« Notre principal résultat est qu'un dérivé de la vitamine B1, la benfotiamine, bloque les trois voies biochimiques principales connues pour provoquer les dégâts tissulaires diabétiques, lesquels sont responsables de cécité, d'insuffisance rénale, d'amputation de jambe et de crise cardiaque », explique au « Quotidien » le Dr Michael Brownlee (Diabetes Research Center, Albert Einstein College of Medicine, Bronx, New York), qui a dirigé ces travaux. « Plusieurs compagnies pharmaceutiques sont en train de développer des inhibiteurs de chaque voie séparée, mais la benfotiamine les bloque toutes les trois », précise-t-il. « La benfotiamine est disponible en Allemagne et nous savons qu'elle n'a pas d'effet secondaire. Des études cliniques contrôlées sont nécessaires pour déterminer son efficacité. »
L'élévation chronique du taux de glucose dans le sang des patients diabétiques provoque à la longue des lésions micro- et macro-vasculaires dans divers tissus, dont la rétine, le rein, et le système cardio-vasculaire. Quatre mécanismes biochimiques majeurs ont été impliqués dans les dégâts vasculaires induits par l'hyperglycémie : l'augmentation du flux de la voie hexosamine, l'augmentation de la formation des AGE (produits terminaux de la glycosylation avancée), l'activation des protéines kinases par la synthèse de novo du diacylglycérol et l'augmentation du flux de la voie polyol.
Dans les cellules endothéliales, l'hyperglycémie active aussi le facteur de transcription pro-inflammatoire NF-kappa B. Tous ces mécanismes reflètent à l'origine un seul processus induit par l'hyperglycémie : la surproduction de superoxyde par la mitochondrie. Cette superoxyde inhibe partiellement une enzyme de la glycolyse (GAPDH) et les métabolites de la glycolyse en amont sont ainsi répartis dans les quatre voies de signal qui causent les dégâts hyperglycémiques.
La disponibilité accrue de deux de ces métabolites, le fructose-6-phosphate et le glycéraldéhyde-3-phosphate, active trois des quatre voies : la voie hexosamine, la voie de formation des AGE et la voie du DAG-PKC. Ces deux métabolites proviennent aussi de la voie pentose-5-phosphate sous l'action de la transkétolase et de son cofacteur, la thiamine. Toutefois, le sens de cette réaction est déterminé par la concentration du substrat. Hammes, Brownlee et coll. se sont donc demandés si ces métabolites (fructose-6-P et glycéraldéhyde-3-P), étant donné leur concentration accrue par l'hyperglycémie, ne pourraient pas être détournés dans la voie des pentoses-5-P lorsque la transkétolase est pleinement activée par une supplémentation en thiamine.
Une biodisponibilité supérieure
Pour tester cette hypothèse, les chercheurs ont pris un dérivé liposoluble de la thiamine, de biodisponibilité supérieure, la benfotiamine. Dans des cellules endothéliales en culture, les chercheurs ont d'abord déterminé la dose de benfotiamine nécessaire pour activer la transkétolase (50 μm). Ils montrent in vitro que l'administration de benfotiamine (à la dose de 50 μm) empêche effectivement l'activation des trois voies (hexosamine, formation des AGE et DAG-PKC), ainsi que celle de la voie NF-kappaB, induites par l'hyperglycémie. Ces effets sont obtenus grâce à son activation de la transkétolase. Les chercheurs ont ensuite démontré que la benfotiamine produit les mêmes effets in vivo dans les rétines de rats depuis longtemps diabétiques.
Enfin, ils ont étudié des rats porteurs d'un diabète induit expérimentalement (par injection de streptozotocine). Ils ont randomisé la moitié des rats au traitement par benfotiamine, l'autre moitié au placebo. Après neuf mois de diabète et de traitement par benfotiamine, aucune rétinopathie n'est observée, alors qu'elle est présente chez les rats traités par placebo. « Ces résultats, concluent les chercheurs, suggèrent que le traitement des patients diabétiques par la benfotiamine, ou un dérivé liposoluble de la thiamine, pourrait prévenir ou retarder l'apparition des complications diabétiques. »
« Nature Medicine », 17 février 2003, DOI : 10.1038/nm834.
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