Par les Drs HERVE BARD* et VALERIE VUILLEMIN**
LE syndrome douloureux du grand trochanter (Sgdt) désigne les douleurs de la face latérale de la hanche, qui ont pour principales causes les tendinobursopathies trochantériennes (TBT) : atteinte des muscles moyen glutéal (ex-moyen fessier) et petit glutéal, et les bursopathies satellites. Le Sgdt peut relever d'autres causes locales, régionales ou rachidiennes, de diagnostic parfois difficile, mais le plus souvent orienté par un bon interrogatoire et un examen physique méthodique.
Ces dernières années, l'imagerie par résonance magnétique (IRM) a permis de démembrer les TBT en montrant l'atteinte isolée ou en association du tendon du muscle petit glutéal, de la lame latérale ou du tendon postérieur du muscle moyen glutéal et des bourses du moyen glutéal, du petit glutéal ou du grand glutéal (bourse trochantérienne superficielle). Très fréquentes, les TBT ont une nette prépondérance féminine (90 %), surviennent entre 40 et 70 ans, et sont habituellement unilatérales.
Clinique, échographie et IRM.
Les TBT s'expriment par une douleur d'installation progressive, siégeant à la partie supérieure et postérieure du grand trochanter, irradiant volontiers à la face externe de la cuisse, parfois jusqu'à la jambe ou au pied, évoquant une radiculalgie L4 ou L5. L'augmentation ou le déclenchement de la douleur à la montée d'un escalier, au passage de la station assise à la station debout et au décubitus latéral du côté douloureux sont évocateurs.
La station debout prolongée est plus pénible que la marche, la douleur diminuant volontiers après quelques pas, l'impression de boiterie étant passagère en l'absence de rupture tendineuse.
L'examen physique recherche une boiterie de Trendelenburg, caractérisée par le déport du tronc au-dessus de la hanche pathologique lors de l'appui monopodal homolatéral et traduisant l'insuffisance des abducteurs de la hanche ou la rupture complète du moyen glutéal. La station monopodale cherche à réveiller la douleur et peut montrer une bascule pelvienne du côté opposé ou signe de Trendelenburg. L'examen en décubitus dorsal, latéral et ventral apporte des arguments en faveur d'une tendinopathie lorsqu'il trouve la classique triade tendineuse, à condition d'explorer les fonctions principales des muscles moyen et petit glutéaux qui sont rotateurs internes de la hanche et abducteurs en position d'adduction. La douleur réveillée en rotation externe forcée est un test très sensible. Les manoeuvres d'abduction résistée en position d'adduction ou d'abduction à 0°, hanche en extension, et de rotation interne résistée, au mieux en course externe à 90° de flexion de hanche, sont les tests isométriques les plus utiles. La palpation du grand trochanter en décubitus latéral opposé explore les différentes facettes trochantériennes. L'absence de limitation de la mobilité de la hanche, de signes rachidiens, de cellulalgie au pincer-rouler, de radiculalgie ou de signe neurologique déficitaire sont des signes négatifs importants.
mais le diagnostic n'est parfois confirmé que par l'efficacité d'une injection locale d'un anesthésique et/ou d'un cortisonique.
La majorité des TBT évolue vers la guérison en 2 à 3 mois spontanément ou sous l'action d'un traitement médical symptomatique ; 5 à 10 % des cas évoluent sur un mode chronique ou récidivant. C'est dans ces cas que l'imagerie prend tout son intérêt.
Des radiographies du bassin et des hanches de face en position couchée et en faux profil de hanche sont indispensables.
L'échographie de cette région est difficile et doit être faite par un échographiste entraîné.
Le meilleur examen est l'IRM. L'étude des hanches est réalisée classiquement en un seul examen en grand champ de vue, région trochantérienne en limite de champ. Après une séquence en pondération T1 montrant le bassin et les hanches, nous conseillons de réaliser des séquences centrées sur la hanche symptomatique en petit champ de vue. Ce type d'acquisition permet une meilleure définition de l'anatomie des tendons, mais sans possibilité de comparaison avec le côté opposé. Les séquences en T1 permettent de voir les tendons normaux en hyposignal, de juger de leur épaisseur et d'apprécier l'infiltration graisseuse des masses musculaires. Sur les séquences en T2 fat-sat, la collection de liquide au sein d'une bourse (bursite) se traduit par un hypersignal intense. De même des hypersignaux intratendineux sont le signe d'une tendinopathie, et une zone de rupture tendineuse apparaît comme une interruption du tendon par un hypersignal.
L'IRM est indiquée après échec du traitement médical pour confirmer la bursopathie et/ou la tendinopathie avant une injection radio- ou échoguidée d'un cortisonique dans la bourse pathologique. Les lésions tendineuses peuvent concerner isolément ou en association les deux tendons et les trois bourses. L'atteinte antérieure concernant le tendon du petit glutéal et la lame latérale du moyen glutéal est la plus fréquente. L'atteinte de la lame latérale du moyen glutéal est trouvée dans 80 % des cas et le tendon du petit glutéal est pathologique de façon isolée dans 12 % des cas dans notre expérience. La fréquence des bursopathies isolées est variable selon les séries, dépendant des critères d'inclusion, inférieure à 10 % dans la nôtre.
Une origine essentiellement mécanique ou dégénérative.
Comme pour la coiffe des rotateurs de l'épaule, les TBT sont essentiellement d'origine mécanique ou dégénérative. La surcharge tendineuse peut être favorisée par une inégalité de longueur des membres inférieurs, un trouble de la statique du rachis ou des membres inférieurs, une coxopathie, une pathologie du genou ou du pied, ou bien déclenchée par un traumatisme direct, un effort sportif, une marche ou une station debout très prolongée ou la pratique intensive des escaliers. Elle est plus fréquente chez les lombalgiques et les femmes en surpoids. Les causes non mécaniques des tendinopathies et des bursopathies sont beaucoup plus rares. Les tendinopathies calcifiantes à apatite représentent moins de 20 % des cas, ce diagnostic étant à évoquer en priorité chez l'homme. Les causes inflammatoires ou infectieuses sont rares, mais elles ne doivent pas être oubliées.
Les infiltrations à utiliser avec parcimonie.
Le traitement médical n'a pas encore fait l'objet d'évaluation et de codification. Les injections de cortisoniques, largement utilisées dans cette pathologie, qui répond souvent mal aux antalgiques et aux anti-inflammatoires non stéroïdiens, devraient être pratiquées avec parcimonie (risque de rupture du moyen glutéal) et, en l'absence de réponse suffisante à une ou deux injections classiques, une injection intrabursale pourra être faite sous guidage radio- ou échographique. Comme dans toute tendinopathie, une réduction ou une suppression des contraintes mécaniques sont indispensables. Une bursectomie peut être proposée dans les formes chroniques avec réparation tendineuse en cas de menace de rupture ou de rupture partielle du moyen glutéal, avant une atrophie musculaire irréversible.
Un diagnostic lésionnel aussi précis que possible.
Tendinopathie du moyen et/ou du petit glutéal, bursite trochantérienne superficielle, bursite du moyen ou du petit glutéal, rupture tendineuse partielle ou totale, dégénérescence graisseuse ou atrophie musculaire doivent être distingués.
Les ruptures complètes du tendon du moyen glutéal font la gravité fonctionnelle de cette pathologie, mais elles sont rares et devraient être prévenues par une meilleure prise en charge.
Le rôle de cette pathologie dans les complications des arthroplasties de hanche est probablement sous-estimé.
* Rhumatologue, Paris, consultant à l'hopital européen Georges-Pompidou et à l'Hopital américain de Paris.
** Radiologue, Paris, attachée au service de radiologie de l'hopital européen Georges-Pompidou.
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