De notre correspondante
LA PRÉÉCLAMPSIE concerne 5 % des grossesses et représente l'une des premières causes de morbi-mortalité maternelle et néonatale. Elle est caractérisée par la survenue au cours de la grossesse (souvent au troisième trimestre) d'une hypertension artérielle associée à une protéinurie, des oedèmes et une hypoxie du placenta. Son dépistage précoce est essentiel, pour améliorer les conséquences, parfois graves pour le foetus et la mère (éclampsie), grâce à une prise en charge rapide, adaptée et efficace. L'arrêt de la grossesse doit être envisagé au moindre signe de gravité maternelle ou foetale.
En dépit des recherches intenses, les mécanismes expliquant la survenue d'une prééclampsie restent inconnus.
Une équipe, dirigée par le Dr Raghu Kalluri de la Harvard Medical School (Boston, États-Unis), a enregistré une avancée, offrant l'espoir, à terme, d'un test diagnostique et d'un traitement.
Puisqu'un signe cardinal de la prééclampsie est l'hypoxie du placenta, associée à une dysfonction vasculaire, l'équipe s'est intéressée à des gènes qui pourraient agir sur le taux d'oxygène délivré au placenta.
L'enzyme catéchol-O-méthyltransférase.
Leur intérêt s'est porté sur le gène COMT, codant pour l'enzyme catéchol-O-méthyltransférase (ou COMT). En effet, les femmes au cours d'une prééclampsie sévère ont une baisse de l'activité placentaire de cette enzyme. Or elle contribue à transformer l'estradiol en 2-méthoxyestradiol (ME2), qui inhibe le facteur HIF-1 alpha (ou facteur induit par l'hypoxie), un facteur de transcription déclenchant l'expression de certains gènes en cas d'hypoxie.
« Nous nous sommes demandés si, dans la prééclampsie, il ne pouvait pas y avoir une mauvaise fonction de COMT », explique le Dr Kalluri dans un communiqué.
Dans un premier temps, l'équipe a examiné la souris K.-O. génétiquement déficiente en COMT (Comt–/–). Comme ils le prévoyaient, ces rongeurs ne parviennent pas à produire le ME2 ; elles en ont un taux sanguin minime, alors qu'il s'élève chez les souris normales durant le troisième trimestre de la gestation.
Les souris déficientes en COMT (Comt–/–), et donc en ME2, déclarent une prééclampsie à 14 semaines de gestation, ce qui correspond, chez les femmes, au début du troisième trimestre de la grossesse.
Cette souris Comt–/– fournit ainsi le premier modèle rongeur pour la prééclampsie. « La perte de ME2 déclenche probablement une cascade d'événements qui culminent avec la prééclampsie », explique le Dr Kalluri. Le déficit en COMT et ME2, éventuellement dû à une variation du génotype de COMT, entraîne une hypoxie élevée (avec élévation du HIF alphaplacentaire), ce qui provoque une dysfonction angiogénique et une insuffisance du placenta, et résulte alors en une baisse encore plus grande des taux de ME2. »
Faire régresser tous les signes de prééclampsie.
Dans un second temps, les chercheurs ont traité pendant la gestation les souris Comt–/– (déficientes en ME2) par injections sous-cutanées quotidiennes de ME2. Ce traitement a réussi à faire régresser tous les signes de prééclampsie, sans toxicité, il a supprimé l'hypoxie du placenta et l'expression placentaire du facteur HIF-1 alpha.
Enfin, repassant chez l'humain, les chercheurs ont constaté que les taux de COMT et de ME2 sont significativement abaissés chez les femmes présentant une prééclampsie sévère.
En conclusion, cette étude identifie un premier modèle murin génétique de la prééclampsie. Elle suggère également que le 2-méthoxyestradiol pourrait fournir non seulement un marqueur diagnostique, urinaire et sanguin, de la prééclampsie, mais aussi un agent thérapeutique pour prévenir ou traiter l'affection.
« Nous avons découvert qu'un gène, nommé COMT, pourrait être lié à la prééclampsie, explique au « Quotidien » le Dr Kalluri. Cette étude ouvre la possibilité d'un nouveau test génétique pour déterminer la prédisposition à la prééclampsie; elle ouvre également la possibilité d'un test diagnostique urinaire et sérique, et d'un traitement potentiel. Nous mettons en place actuellement une étude à grande échelle, fondée sur cette petite étude. Nous espérons que les médecins à travers le monde nous aiderons à enrôler des patientes, afin d'étudier ce gène et d'évaluer les possibilité de diagnostic et de traitement. De telles études apporteront les réponses finales. »
« Nature » 9 mai 2008, Kanasaki et coll., DOI : 10.1038/nature06951.
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