De notre correspondante
à New York
Cette découverte a plusieurs implications, comme l'explique au « Quotidien » le Pr Philippe Gros, biochimiste à l'université McGill de Montréal, qui a dirigé ces travaux. « Premièrement, à l'instar d'autres troubles spécifiques du globule rouge, tels que l'anémie drépanocytaire et la thalassémie, le déficit en pyruvate kinase (PK) protège contre le paludisme. Deuxièmement, le parasite du paludisme pourrait avoir exercé une pression sélective afin de conserver des allèles PK délétères dans la population humaine normale. Enfin, le métabolisme du glucose dans les globules rouges pourrait être une voie d'investigation pour découvrir d'éventuelles approches pour le traitement du paludisme. »
Le paludisme est la plus importante des parasitoses humaines, causant de 300 à 500 millions de cas cliniques et 1 million de décès chaque année. Chez l'homme, la maladie est imputable aux effets directement liés à l'invasion des globules rouges, à leur destruction par les parasites et à la réponse de l'hôte.
La susceptibilité initiale à l'infection par les quatre espèces de Plasmodium ainsi que la gravité de la maladie et l'évolution finale du paludisme (autoguérison ou décès) sont sous le contrôle de nombreux gènes.
On sait que des allèles associés à l'anémie drépanocytaire, à la bêta-thalassémie et au déficit en glucose 6-phosphate déshydrogénase (G6PD) ont un effet protecteur contre le paludisme et pourraient avoir été retenus par pression sélective dans les zones d'endémie palustre. De même, des variations génétiques dans les antigènes des érythrocytes et dans les taux des cytokines de l'hôte affectent le type et la gravité de la maladie.
La parasitémie reste faible
ros et coll. ont étudié deux souches de souris qui sont particulièrement résistantes au paludisme. En effet, lorsque ces souris sont infectées par Plasmodium chabaudi, la parasitémie reste faible, disparaît rapidement, et il n'y a pas de mortalité. Ces souris sont résistantes, bien qu'elles portent deux allèles de susceptibilité, Char 1 (chromosome 9) et Char 2 (chromosome 8).
Les chercheurs ont constaté que cette résistance au paludisme est transmise de façon autosomique récessive et est liée à un locus sur le chromosome 3 (Char 4).
L'équipe a séquencé les gènes candidats de la région Char 4. Ils ont ainsi découvert qu'une mutation inactivante (perte de fonction) dans le gène de la pyruvate kinase confère la résistance au paludisme.
Des hypothèses
Les chercheurs ne savent pas encore pourquoi le déficit en pyruvate kinase affecte la capacité de réplication de Plasmodium dans les érythrocytes, mais émettent plusieurs hypothèses. Le déficit pourrait, par exemple, rendre la membrane érythrocytaire plus rigide, affectant l'invasion du parasite. Une des autres hypothèses proposées est que le déficit pourrait altérer le métabolisme glucosé du parasite dans l'érythrocyte.
« Nos résultats chez la souris suggèrent que l'homozygotie pour le déficit en pyruvate kinase confère une protection contre le paludisme », concluent les chercheurs canadiens.
Chez l'homme, plusieurs mutations sur les deux copies du gène de la pyruvate kinase (sur le chromosome 1) ont été associées au déficit en pyruvate kinase, et cette anomalie enzymatique est la cause la plus fréquente d'anémie hémolytique non sphérocytaire héréditaire.
L'équipe examine maintenant la possibilité que le déficit en pyruvate kinase puisse conférer à l'homme une protection contre le paludisme.
« Nature Genetics » 3 novembre 2003. http://www.nature.com/naturegenetics, DOI : 10.1038/ng1260.
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