DANS LA mucoviscidose, une maladie génétique causée par la mutation des deux copies du gène Cftr (Cystic Fibrosis Transmembrane conductance Regulator), la maladie pulmonaire chronique est la principale cause de morbidité et de mortalité.
Apparaissant rapidement après la naissance, une infection chronique associée à une réponse inflammatoire dominée par les neutrophiles aboutissent à une destruction progressive des voies aériennes pulmonaires.
Le mécanisme sous-jacent reste incertain. On a longtemps pensé que le problème fondamental dans les poumons des patients atteints de mucoviscidose était l'incapacité à éliminer les bactéries, ce qui entraînait secondairement une inflammation chronique détruisant les voies aériennes pulmonaires.
« Mais de récentes études suggèrent que ce pourrait être l'inverse : une inflammation des voies aériennes anormalement vigoureuse et prolongée pourrait constituer le premier problème. Ces réponses sont inefficaces pour éliminer les bactéries, elles pourraient endommager les voies aériennes de façon à favoriser la colonisation bactérienne et, au fil du temps, elles pourraient aboutir à la destruction des voies aériennes », explique dans un communiqué le Dr Christopher Karp, immunologiste à l'université de Cincinnati (Ohio), qui a dirigé ce travail. Karp et son équipe décrivent leurs résultats dans la revue « Nature Immunology ».
Initialement, la réponse inflammatoire à la majorité des bactéries, dans les poumons comme ailleurs, est aiguë, c'est-à-dire dominée par les neutrophiles. Normalement, l'inflammation neutrophile ne dure qu'une courte période. Si l'infection bactérienne n'est pas éliminée, l'inflammation aiguë est modulée vers une inflammation chronique, moins toxique, marquée par la présence des lymphocytes et des macrophages.
Toutefois, dans la mucoviscidose, cette modulation ne survient pas ; la réponse inflammatoire aiguë n'évolue jamais en réponse chronique.
Or on a découvert récemment que les lipoxines, des dérivés de l'acide arachidonique, sont des régulateurs importants de l'inflammation neutrophile.
Des lipides anti-inflammatoires.
Ces lipides anti-inflammatoires favorisent la résolution de l'inflammation neutrophile.
Karp et coll. ont donc examiné s'il pourrait y avoir un déficit en activité anti-inflammatoire des lipoxines dans les voies aériennes des patients atteints de mucoviscidose.
Les chercheurs ont mesuré les taux de lipoxines (lipoxine A4 ou LXA4) dans les sécrétions pulmonaires (lavage broncho-alvéolaire) de douze enfants atteints de mucoviscidose et de huit enfants souffrant d'autres affections pulmonaires inflammatoires (patients témoins).
Tandis que les concentrations de neutrophiles dans les sécrétions pulmonaires sont identiques entre les patients atteints de mucoviscidose et les patients témoins, le rapport lipoxine (LXA8)/neutrophile est significativement réduit chez les patients, malgré des rapports IL8/neutrophile similaires. Les concentrations de lipoxine sont donc significativement abaissées dans les voies aériennes des patients.
Des souris améliorées.
Dans un second temps, l'équipe a examiné l'effet thérapeutique potentiel d'un analogue des lipoxines. Elle a utilisé un modèle d'inflammation et d'infection chronique (P. aeruginosa) des voies aériennes chez la souris qui simule bien la mucoviscidose.
L'administration (orale et I. V. combinée) d'un analogue de la lipoxine A4 (pendant six jours) supprime l'inflammation neutrophile et favorise un déplacement vers l'inflammation chronique (lymphocytes et macrophages), diminue la charge bactérienne pulmonaire et atténue la gravité de la maladie.
« Ces résultats suggèrent qu'il existe un défaut, physiopathologiquement important, de l'activité anti-inflammatoire médiée par les lipoxines dans les poumons atteints de mucoviscidose », ajoutent les chercheurs, qui concluent que « les lipoxines constituent un potentiel thérapeutique dans cette maladie autosomique fatale ».
« Nous progressons maintenant sur plusieurs fronts, confie au "Quotidien" le Dr Karp. Nous voulons déterminer quels sont les mécanismes sous-jacents à la production anormale de lipoxines dans la mucoviscidose ; optimiser le développement d'un analogue des lipoxines (création, synthèse et mode de délivrance) pour une fin thérapeutique ; et définir les mécanismes moléculaires responsables des effets thérapeutiques bénéfiques des lipoxines dans les modèles d'inflammation. »
« Nature Immunology », 22 mars 2004, DOI :10.1 038/ni1 056.
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