Les résultats d’OCTOCARDIO, premier observatoire français des hospitalisations en cardiologie des patients de 80 ans et plus, démontre « un déficit de prescription chez ces patients avec des taux globalement inférieurs de moitié en comparaison à ce qu’il devraient être suivant les recommandations » indique G. Moubarak, Hôpital Saint-Joseph. Dans cette population de 510 patients âgés en moyenne de 85±4 ans (21% avaient plus de 90 ans), trois patients sur 4 étaient hypertendus et un tiers étaient diabétiques. Trois pathologies ont été principalement étudiées : la fibrillation auriculaire (FA), l’insuffisance cardiaque (IC) et la maladie coronarienne (MC) qui représentaient respectivement 42, 39 et 37%. Un patient sur 4 avait une FA associée à une IC et près d’un sur dix avaient les trois pathologies associées. Plus de 90% des patients en FA auraient du avoir des antivitamines K mais seulement la moitié en recevaient et 22% n’avaient ni aspirine ni antivitamines K. Chez les patients coronariens là encore moins de 60% avaient le traitement habituellement recommandé (IEC, bêta-bloquants, statine et aspirine), enfin toujours pas de traitement optimal dans l’insuffisance cardiaque avec une prescription d’IEC de l’ordre de 40% et de bêta-bloquants de 48%. Aucune des comorbidités cardiaques ou extra-cardiaques (évaluées par l’index de comorbidités de Charlson) évaluées chez ces patients n’explique ce déficit de traitement. L’analyse des résultats doit se poursuivre à la recherche d’une explication à ces différences sachant que les résultats de cet observatoire vont dans le sens des études réalisées et qui concluent que l’âge en lui-même est un facteur de sous traitement
L’âge est un facteur de sous-traitement
Pour le Dr François Delahaye (Hôpital cardiologique, Bron), « il n’y a pas de raison de priver les patients âgés des traitements efficaces ». Indépendamment de l’âge en soi, les sujets très âgés se caractérisent par une grande hétérogénéité sur le mode de vie et les comorbidités, ce qui nécessite une évaluation gérontologique lorsque c’est possible. Le sujet âgé est susceptible de décompenser plus facilement avec un état nutritionnel précaire et en moyenne sept pathologies associées dont deux prédominantes. Le Dr Delahaye a rappelé que ces patients ont un risque iatrogénique plus élevé. Ainsi, les posologies de diurétiques doivent être réduites dès que possible après l’épisode de décompensation. Les IEC sont à utiliser à distance de la déplétion volémique pour éviter les hypotensions et les problèmes rénaux. Les bêta-bloquants ont prouvé leur efficacité chez les plus de 70 ans dans l’étude SENIORS chez les plus de 70 ans. Une étude montre que les patients qui ne prennent pas de bêta-bloquant ont un moins bon pronostic que ceux traités à bonne dose. Il sont à instaurer à distance de l’épisode aigu, à petite dose en arrêtant les inhibiteurs calciques et les nitrés pour éviter l’hypotension jusqu’à atteindre la dose maximale tolérée. Les anti-aldostérones prescrits en classe NYHA III et IV et bientôt en classe II sont à utiliser à la posologie faible de 12,5 mg par jour en surveillant l’ionogramme et la fonction rénale pour éviter les hyperkaliémies. Les digitaliques sont utilisés en cas de FA à faible dose en s’aidant du dosage plasmatique. La resynchronisation et les défibrillateurs sont des problématiques délicates mais la resynchronisation semble légitime dans les cas où elle est indiquées sur des critères électroardiographique et échocardiographiques. En revanche, le défibrillateur est plus discutable. Les règles hygiéno-diététiques doivent être relativement souples dans la mesure où le régime désodé strict expose à l’anorexie et à la dénutrition. « Il faut demander au patient ce qu’il souhaite et se méfier des syndromes dépressifs » a ajouté le Dr Nathalie Faucher (gériatre, hôpital Bichat Claude Bernard, Paris). « Il y a aussi la demande de la famille à prendre en compte. La problématique en ville est la prise en charge de l’insuffisance cardiaque terminale au domicile ou en EHPAD, il y a beaucoup trop de transferts itératifs pour décompensation en aigu ».
Dilemme de la fin de vie
A ce propos, le Dr Frédéric Lapostolle (Samu, Bobigny) a expliqué que le SAMU faisait toujours le maximum en urgence, quitte à faire une réévaluation et une désescalade des thérapeutiques dans les 48 heures lors de l’hospitalisation. Pour l’urgentiste, les recommandations pour le diagnostic et la prise en charge de l’insuffisance cardiaque du sujet âgé publiées en 2004 s’appliquent et elles prévoient d’utiliser les thérapeutiques actives, le traitement pharmacologique et la ventilation. Pour la ventilation assistée au cours de l’OAP, la ventilation non invasive est privilégiée mais elle ne peut pas être utilisée chez le patient souffrant de démence. Elle permet de réduire la fréquence respiratoire et d’améliorer l’oxygénation tissulaire. « Il ne faut pas conduire l’urgentiste à se prendre pour Dieu. On ne doit pas continuellement à être dans une situation où on doit décider si l’on veut faire vivre ou pas le malade a souligné le Dr Lapostolle ». Les recommandations de la société française d’anesthésie-réanimation préconisent d’ailleurs une réflexion collégiale faisant intervenir 3 médecins.
Le Dr Véronique Fournier (centre d’éthique clinique, Hôpital Cochin, Paris) a abordé le point de vue éthique de la prise en charge de l’insuffisance cardiaque terminale. Elle a précisé « L’insuffisance cardiaque à une histoire naturelle de très longue chronicité émaillée de crises aiguës et il est difficile de définir un point de non-retour ». La discussion avec le patient doit se situer en amont et ne pas être centré sur la médecine ou les soins d’urgence mais plutôt sur le mode de vie du patient. Il faut discuter avec le malade de ses craintes et de ses désiderata. « Il est important d’introduire les soins palliatifs précocement et de façon complémentaire mais il n’est pas facile de les proposer » indique le Dr Fournier. D’autant qu’on est tenté d’être de plus en plus invasif avec les remplacements valvulaires percutanés, les angioplasties ou la pose de stimulateurs qui sont possibles chez des personnes très âgées. « Le curatif est un élément du palliatif dans une maladie où la mortalité est très élevée. Il faut privilégier le confort et conduire des réévaluations régulières » a conclu la spécialiste.
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