De notre correspondante
« REMPLACER FRECHE ?... Elle n'aura pas la carrure... C'est du pipeau... Personne n'y croit... Il a mis une inconnue, pas politicarde, pour continuer à tirer les ficelles. » A Montpellier, la vox populi, qu'elle soit pro- ou anti-Frêche, exprime sa stupéfaction, après la décision du maire de laisser son fauteuil au Dr Hélène Mandroux, généraliste à la Paillade et qui était jusqu'alors sa première adjointe. Une nomination d'autant plus surprenante que le politicien bagarreur semblait régner sur la ville depuis toujours et pour l'éternité. Mais son élection à la présidence de la région Languedoc-Roussillon a conduit Georges Frêche, maire depuis vingt-sept ans, mettre un terme à son règne municipal.
Difficile donc de succéder à cette carrure si l'on veut endosser le même manteau, mais peut-être pas si l'on veut donner à la gestion de la ville un autre style. C'est ce que commence à faire, dès les premiers jours, cette petite femme souriante et attentive. « J'ai du mal à croire que cela fait seulement une semaine... whaou ! » Et d'énumérer les rencontres avec la population dans les différentes maisons de quartier, la réunion de travail avec le préfet sur les questions de sécurité, la visite de plusieurs chantiers, la manifestation à la mémoire des déportés. Et puis le travail de bureau, les dossiers de toutes les couleurs qu'elle a commencé à explorer et les discussions avec l'équipe municipale : « Les élus n'ont pas changé mais les fonctions sont différentes, et beaucoup de nouveaux cadres sont venus nous rejoindre. »
Patients compréhensifs.
Au terme de cette première semaine « whaou », à l'heure où la mairie a fermé ses portes pour le week-end, le Dr Mandroux a trouvé un moment pour nous recevoir avec beaucoup de simplicité : « "Le Quotidien du Médecin" tout de même, depuis le temps que je le lis ! » Un journal auquel elle continuera à s'intéresser, car elle entend continuer à mener de front ses activités publiques et professionnelles : « J'ai toujours tenu à garder mon cabinet, car c'est un gage de liberté par rapport à mon engagement d'élue. » Depuis qu'elle est première adjointe, elle a simplement planifié son temps en recevant surtout sur rendez-vous, mais avait gardé deux plages horaires pour les consultations libres. « Je vais supprimer ces consultations-là pour que mes patients ne risquent pas de trouver porte close un jour où j'aurai une obligation incontournable pour la mairie, c'est la moindre des politesses. » Dès que les journaux ont annoncé qu'elle devenait maire, sa clientèle s'attendait d'ailleurs à cette décision et s'est montrée prête à s'adapter. « Ils ont aussi compris et accepté depuis plusieurs années qu'il n'y ait aucune interférence entre mes fonctions : lorsque je consulte, je m'y consacre totalement, et s'ils veulent m'entretenir de problèmes d'ordre municipal, ils viennent me voir à la mairie. Ils savent que c'est dans l'intérêt de tous, et je leur ai redit que ce serait comme avant. »
Anesthésiste, puis généraliste.
Pour le Dr Hélène Mandroux, le goût pour la chose publique va de pair avec son goût pour la médecine, cette profession qui permet d'être en contact permanent avec les problèmes des gens : « Ils savent que l'on est lié par le secret et se confient donc librement. En tant que femme et que médecin, je suis très sensible à leurs difficultés et je suis satisfaite de pouvoir m'investir pour tenter d'améliorer leur vie. » Elle plaide aussi pour une démographie médicale qui corrige les actuelles inégalités d'accès aux soins : « A Montpellier, nous n'avons pas de pénurie de médecins pour le moment, mais il faut une véritable réflexion politique, menée en concertation avec la profession, pour régler les difficultés des zones démédicalisées de l'arrière-pays. » C'est le désir de dialogue avec les patients, conjugué au besoin de gérer elle-même son exercice professionnel (on a parlé de femme de paille ?) qui lui a fait quitter la clinique où elle était anesthésiste : « J'ai trouvé cette spécialité passionnante et mes patients se sont toujours bien réveillés. Pas de problèmes de ce côté-là. Mais on y dépend trop du chirurgien, et l'on n'a pas le temps d'échanger avec le malade que l'on endort. » Dans le cabinet qu'elle a ouvert en 1975 dans le quartier très populaire de La Paillade, le contact avec la réalité est total et propre à éviter toute dérive politicienne.
Depuis toujours, le cœur à gauche.
C'est en tant que présidente de l'antenne locale de l'Association des femmes médecins (elle a élevé trois fils et a donc aussi connu la double journée de travail et les difficultés de ses consœurs) que Georges Frêche l'a contactée en 1982 : il commençait à constituer pour les élections municipales de l'année suivante une liste où il voulait instituer un quota hommes-femmes et s'ouvrir sur la société civile.
« Mes enfants étaient déjà grands et n'avaient plus besoin de moi à la maison. Alors, j'ai dit oui, car j'ai pensé que c'était une occasion unique de participer à la vie publique. » Le Dr Hélène Mandroux n'était inscrite à aucun parti, « mais j'ai toujours pensé que l'Homme devait passer avant les profits financiers, j'avais le cœur à gauche et je ne me suis jamais trompée de côté : en tant que médecin, je pense que c'est physiologiquement normal », plaisante-t-elle.
Il lui a donc semblé « naturel » d'adhérer au Parti socialiste. « Il y a d'ailleurs un pourcentage non négligeable de généralistes qui y sont car, dans cette profession, on ne peut qu'avoir la fibre sociale », note-t-elle. C'est ainsi qu'elle a été élue aux municipales de 1983 puis de 1989, créant le Salon Euromédecine avec Igor Barrère lors de son premier mandat, puis nommée adjointe déléguée à la Démocratie locale et aux Associations et enfin première adjointe déléguée aux Finances. « Jusqu'à cette semaine, nous étions autant de femmes que d'hommes au conseil municipal, et avec les changements de fonctions, cela fait même une femme de plus », constate-t-elle avec plaisir. Sans être « une acharnée des quotas », elle semble assister avec plaisir à l'entrée d'un peu de douceur dans un monde politique parfois rude.
La lutte contre le chômage.
Bien sûr, ses projets sont ceux de son prédécesseur : « J'ai été élue sur la liste Frêche qui défendait un programme à l'élaboration duquel j'ai participé, il est normal que je le poursuivre avec toute l'équipe », réplique-t-elle à ceux qui l'accusent de n'être qu'une « courroie de transmission». Seconde ligne de tramway et réhabilitation du centre-ville font donc partie de ses priorités : « Je suis née et j'ai grandi ici, j'ai à cœur d'en faire un lieu agréable, nettoyé de ses tags et bénéficiant de transports en site propre. » Mais Madame la Maire montera sur d'autres fronts, ceux de la santé notamment. « Nous participons déjà activement, chaque année, aux grandes campagnes de prévention. Nous allons renforcer nos activités dans le cadre du réseau Ville-santé auquel adhère Montpellier. » Par ailleurs, elle a projeté la visite des différentes maisons de retraite de la ville pour s'assurer personnellement des installations et du personnel avant l'été : « Nous n'avons eu aucune surmortalité due à la dernière canicule ; nous allons continuer à être performants. »
La santé n'est pas de la compétence directe des municipalités, fait-elle valoir, « mais nous pouvons agir sur le bien-être et l'environnement, qui y contribuent largement ». L'un des principaux outils de la mairie en ce domaine est le centre communal d'action sanitaire et sociale (Ccas), « Nous le garderons et le développerons contre l'avis du gouvernement, qui souhaite voir disparaître ces structures. »
Dans la même optique, elle reprend fermement à son compte le plan de lutte contre le chômage adopté par toute l'équipe municipale : elle ne connaît que trop les ravages des difficultés économiques sur la santé. Et puis, parce que « tout est lié », elle continuera à développer une politique culturelle et sportive, directement ou indirectement créatrice d'emplois, facteur d'insertion et de bien-être.
Persuadée que son enthousiasme sera intact à la fin de cet intérim, Madame la Maire se déclare décidée à briguer un nouveau mandat aux élections municipales de 2007 : « C'est un challenge magnifique et je me sens pleinement capable de l'assumer », affirme-t-elle contre les Gribouilles qui l'attendent au tournant.
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