MALGRE des recherches intensives au cours des dernières années, des mystères subsistent sur la formation et le fonctionnement du cerveau humain. La découverte que seule une infime partie de notre ADN (environ 5 %) correspond réellement aux gènes reste une grande énigme de la biologie. On a baptisé le reste « ADN poubelle ou parasite » car ne servant à rien. En fait, il semble qu'une partie de cet ADN, dit inutile, notamment les rétrotransposons ou gènes sauteurs, pourrait avoir un impact important sur le fonctionnement du cerveau par le biais d'une fonction de régulation.
Rappelons que les rétrotransposons sont similaires aux rétrovirus et que leur objectif principal est de se répandre, c'est-à-dire de se promener et de s'intégrer, ailleurs dans le génome (cela concerne une petite quantité de rétrotransposons). L'idée que, à côté du développement génétiquement programmé, existe une influence de l'environnement (dont les événements de vie mentale) susceptible de modifier l'expression des gènes est admise depuis longtemps. La biologie est dominée par la théorie de l'évolution darwinienne, où la sélection naturelle choisit parmi les variations issues de mutations aléatoires. Or, pour fonctionner, les processus de sélection nécessitent un générateur de diversité. En raison de la complexité extraordinaire du cerveau, la question se pose de savoir comment est créée cette diversité des neurones, que ce soit au stade embryonnaire ou lors du développement du système nerveux adulte.
Chaque individu se différencie en partie par une hétérogénéité neuronale et des interconnexions cérébrales uniques. De ce fait, certains chercheurs ont émis l'hypothèse d'un réarrangement dans l'ADN censé générer cette diversité neuronale, suivi d'une sélection, à l'instar du réarrangement observé au niveau du matériel génétique, dans le système immunitaire (capable de fabriquer une quantité infinie d'anticorps différents).
Mécanisme de réarrangement génomique.
Les récents résultats concernant l'insertion et l'activation de rétrotransposons Line-1 sont en faveur de l'existence d'un mécanisme de réarrangement génomique dans le cerveau, indique le Dr Y. Christen (fondation Ipsen). Ainsi, l'équipe de A. R. Muotri (The Salk Institute) a montré que le gène MeCP2 (dont les mutations sont impliquées dans le syndrome de Rett) apparaît comme un régulateur négatif de l'expression des rétrotransposons Line-1 dans le cerveau, ce qui pourrait contribuer à l'hétérogénéité phénotypique de cette maladie. D'autres recherches évoquent le rôle joué par des rétroéléments dans l'autisme et dans les psychoses, comme la schizophrénie ou la psychose maniaco-dépressive. On entrevoit que la première manifestation internationale consacrée à ce nouveau domaine de recherches lance un grand défi à la science et à la médecine : celui de mieux comprendre les mécanismes physiopathologiques de certaines maladies cérébrales, et, donc, d'envisager de nouvelles possibilités d'intervention thérapeutique.
Colloque médecine et recherche organisé par l'institut Ipsen. Comité scientifique : Fred H. Gage (The Salk Institute, Etats-Unis) et Yves Christen (fondation Ibsen, Paris).
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