Un an après la découverte le 24 avril 2009 de la maladie d'Edgar Hernandez, un petit Mexicain qu'on tenait pour le premier cas de «grippe porcine», comme on l'appelait alors, le virus H1N1 a tué moins de 18 000 personnes à travers le monde, dont près de 1.200 au Mexique. A l’occasion de cet anniversaire, le ministre de la Santé mexicain a estimé que l'alerte mondiale au virus H1N1 lancée voici un an par le Mexique et les mesures d'urgences qu'il a prises ont évité «un million de morts». Devant la presse, le Dr Jose Angel Cordova a rappelé qu’à l’époque on évoquait un risque de 2 millions de malades en trois mois et d’un million de morts: «la réponse mexicaine a été transparente et immédiate, et est reconnue comme la marche à suivre par le prochain pays où apparaîtrait une menace pour la santé mondiale», a-t-il estimé.
On sait maintenant que le virus H1N1 était apparu plusieurs mois avant avril 2009, au Mexique mais aussi aux Etats-Unis. Mexico avait effectivement pris des mesures drastiques, fermant écoles et universités, restaurants, théâtres, cinémas et ses sites archéologiques préhispaniques, très touristiques. Les touristes avaient fui, les hôtels s'étaient vidés, et l'impact économique a été évalué à 2,3 milliards, 0,3% du PIB du pays. «La leçon, c'est que la préparation est payante», insiste le ministre. La pandémie semble avoir été stoppée, «mais cette fin n'est que le début de la préparation pour une nouvelle pandémie qui surgira un jour ou l'autre», met-il en garde.
La vigilance reste de mise
De fait, même si la situation épidémiologique semble calme, voire archi calme dans un pays comme la France, l’OMS maintient toujours son niveau d’alerte pandémique déclenché en juin dernier. Les experts appellent à rester vigilants, soulignant que, dans le passé, les vagues suivantes ont été souvent plus meurtrières que la première. Et l'Afrique du Sud, qui va accueillir en juin la Coupe du monde de football en plein hiver austral, période propice aux épidémies de grippe, se prépare déjà au retour du H1N1. Certains experts, comme l'épidémiologiste Lone Simonsen (Etats-Unis) rappellent en effet que lors d'une autre pandémie de grippe, en 1968, environ 70% des décès étaient survenus au second hiver. Les possibilités d'évolution du virus (mutations diverses, recombinaison avec d'autres virus grippaux...) constituent une autre raison de rester attentif, rappellent les virologues.
De fait, même si elle n’a pas été le «serial killer» que l’on redoutait, la grippe de l'hiver dernier a surpris par des cartactéristiques bien particulières. Ainsi, elle s'est affranchie de la saison froide pour se manifester en été dans l'hémisphère nord; elle a touché plus de jeunes, et les femmes enceintes y ont été particulièrement vulnérables. A ce facteur d'alarme, s'est ajouté le nombre inusité de cas graves avec syndrome de détresse respiratoire aiguë frappant des patients sans aucun facteur de risque connu. Jamais on avait vu autant de formes graves dans les services de réanimation, souligne le Pr Brigitte Autran, immunologiste. Des études pour tenter de comprendre ces formes hypergraves sont actuellement en cours en France et dans d'autres pays, selon le Pr Jean-François Delfraissy.
La recherche sur les vaccins relancée
Si les inquiétudes demeurent concernant le H1N1, cette pandémie a eu aussi une retombée positive : elle a dopé la recherche sur la grippe, reconnaissent les chercheurs. On a pu ainsi mieux cerner l'importance des formes asymptomatiques, «deux à trois fois plus» nombreuses que les grippes avec symptômes, évalue le Pr Delfraissy. Toutefois, nombre de questions demeurent sans réponse, puisque l’on ne sait pas combien de temps dure la protection du vaccin anti-H1N1. Le prochain vaccin contre la grippe saisonnière intégrera néanmoins le H1N1. Et, parallèlement, forts des leçons tirées de la pandémie de la grippe H1N1, autorités sanitaires et laboratoires aux Etats-Unis accélèrent le développement de nouvelles techniques de production de vaccins plus rapides et fiables que les méthodes traditionnelles. Cette conversion vers de nouvelles techniques de production de vaccins se fera en deux phases avec tout d'abord le développement de la production de vaccin anti-grippe à partir de cellules animales, plutôt que sur des œufs. L'objectif ultime étant de convertir entièrement la production de vaccins anti-grippe basée sur la recombinaison génétique qui ne nécessite plus de cultiver un virus pour fabriquer un vaccin.
L’OMS sur la sellette
Un an après le début de l’épidémie, l’heure est aussi venue de tirer les leçons de cette crise sanitaire. A Madrid, jeudi dernier, la nécessité «d'améliorer la coordination européenne» face à des épidémies comme la grippe H1N1 a été évoquée lors d'un déjeuner réunissant les ministres de la santé européens et la directrice générale de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), Margaret Chan.
Par ailleurs, l'OMS est sur la sellette pour avoir, selon certains experts, «crié au loup» et évoqué le spectre d'une pandémie meutrière, poussant de nombreux pays à dépenser des sommes jugées démesurées en achat de vaccins. En réponse aux accusations selon lesquelles elle a exagéré la menace sous l'influence des laboratoires pharmaceutiques, l'OMS a formé un comité de 29 experts de 28 pays. Un rapport intérimaire sera transmis à Mme Chan avant l'assemblée générale de l'organisation en mai. Leurs conclusions finales étant attendues pour janvier 2011. En France, les autorités sont aussi l’objet de critiques -notamment pour le demi-échec d’une campagne de vaccination -que la ministre évalue aux alentours de 600 millions d'euros- et pas moins de deux missions parlementaires différentes sont à l’oeuvre.
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