Un cri de désespoir

Je viens de lire votre dossier sur le surdiagnostic et la surprescrition d’examens médicaux (« Quand la médecine fait du zèle », Le Généraliste n° 2685, p. 13).

Je réponds au Pr Sicard que je suis médecin généraliste et que j’examine et écoute mes patients avec toute mon énergie, comme me l’a appris un maître hospitalier interniste, le Pr Hugues Rousset, au CHU de Saint-Etienne, de 1979 à 1987. Je ne vois pas comment aujourd’hui on peut se passer d’examens complémentaires pour dire à un patient qui se plaint de douleurs épigastriques depuis 48 h qu’il a un lymphome du grêle; à une jeune femme qui a mal au dos que dans sept jours elle fera un arrêt cardiaque pour une tumeur médiastinale ; à une petite dame qui a 45 ans qui a vomi trois fois la veille qu’elle a un carcinome péritonéal ; à une jeune fille un peu fatiguée à l’effort alors qu’elle est très entraînée qu’elle fait une embolie pulmonaire ; à une dame qui ne se plaint d’absolument rien mais qui demande une échographie abdominale parce que j’ai trouvé un carcinome péritonéal à son amie qui avait tous les symptômes d’une banale colopathie fonctionnelle et chez qui on a trouvé un cancer du rein puisque j’ai cédé à sa demande.

Effectivement, je me dis que les gens ne viennent pas par hasard dans un cabinet médical et que l’on a pas le droit de les renvoyer en leur disant que tout va bien car ils vont très mal même si, apparemment, ils n’ont rien. J’ai le souvenir d’un patient qui m’a téléphoné à 11h30 et à qui j’ai donné rendez-vous à 15 h et qui s’est pendu à 13 h. Je ne le connaissais pas, il n’était pas malade mais il avait une bonne raison de consommer de la médecine. Il ne nous a pas coûté cher celui-là : pas de soins, pas de retraite...

Je me demande si je vais pouvoir continuer à travailler dans ce système monstrueux qui n’ose pas montrer son visage à découvert. Au moins, j’aimerais un brin de réponse. Ceci est un cri de désespoir…