LE TROISIEME Congrès national de l'association France Alzheimer, à Paris, a été l'occasion d'aborder, entre autres sujets, celui du coût de la maladie d'Alzheimer. Un coût encore bien difficile à estimer, à en croire les différents intervenants appelés à répondre à la question : « Alzheimer, combien ça coûte ? »
« Les chiffres dont on dispose à l'heure actuelle sont hétérogènes et d'une fiabilité limitée, avertit en préambule Marie-Eve Joël, économiste (université Paris-IX Dauphine). Il existe différentes étapes dans le chiffrage : pendant longtemps, on ne compte rien ; quand le problème devient public (...), on compte, car le problème commence à compter. » Il n'en reste pas moins que le « périmètre » du coût de la maladie d'Alzheimer ne peut pas être délimité aisément. Il faut tenir compte des différences de prise en charge : à domicile - avec ou sans aide extérieure -, en établissement spécialisé ou pas, etc. En outre, si le coût médico-social de la maladie est relativement facile à établir, les coûts indirects et intangibles (comme la souffrance du patient et de sa famille) sont beaucoup plus difficiles à apprécier. « Contrairement à ce qui se passe dans d'autres pays, le coût de l'aide informelle n'est jamais chiffré en France. Les femmes qui s'occupent de leurs enfants puis de leurs parents ne sont pas soutenues, chez nous, par des associations de féministes militantes... », souligne Marie-Eve Joël.
Toutefois, les questions de l'évolution de l'emploi et de la santé des aidants sont impératifs et devront être éclaircies, sachant que 7 malades sur 10 sont à domicile et qu'une famille sur 3 assume cette situation sans aide extérieure. On sait que la plupart des aidants passent au temps partiel et doivent renoncer à une bonne part de leurs activités - car un malade d'Alzheimer exige une disponibilité de 24 h/24. Conséquence : l'entourage d'un malade est presque toujours frappé de troubles liés à la fatigue physique et psychique. Selon les sources, la dépression affecterait de 17 à 35 % des aidants. En outre, on constate que ces personnes négligent leur propre santé (vue, santé bucco-dentaire, etc.). Le taux de mortalité est 50 à 63 % plus élevé chez l'aidant d'un malade d'Alzheimer que chez un sujet du même âge vivant avec un conjoint en bonne santé. Les coûts induits ne sauraient donc être négligeables ou négligés.
Faire face aux défis à venir.
Eric Badonnel, sous-directeur à la Cnamts, rejoint l'analyse de Marie-Eve Joël. Il estime que « s'intéresser au coût, c'est mettre au jour le poids d'une pathologie sur la santé comme sur les finances publiques » et relève donc d'une prise de conscience collective. Le rapport de la Cour des comptes pour 2003 estimait le coût de la maladie d'Alzheimer à 4,5 milliards d'euros. Quant à la prise en charge d'un malade, elle varie de 15 200 euros à domicile à 24 400 euros en établissement spécialisé. Des chiffres confirmés par ceux de l'Ocde, qui avance une moyenne de 19 000 euros pour la prise en charge d'un malade d'Alzheimer en France.
Mais aucun de ces chiffres ne tient compte des coûts indirects, tangibles et intangibles. Sans compter que la frontière entre l'aide et le soin, dans la prise en charge de la maladie d'Alzheimer, est fluctuante, sinon floue. Par exemple, la toilette relève de l'aide à domicile aux premiers stades de la maladie, mais du soin infirmier à un stade plus avancé.
Pour Pierre Morange, député UMP, comme pour André Lanier, président de l'association Alzheimer 45, la question du coût est essentielle dans le contexte démographique actuel. L'un et l'autre se félicitent de l'espoir qu'apporte enfin le plan Alzheimer - présenté la semaine dernière par le ministre de la Santé (« le Quotidien » du 15 septembre) -, mais insistent sur la nécessité d'une démarche d'évaluation des coûts et des besoins pour faire face aux défis à venir. « En 2020, une personne sur quatre de plus de 65 ans sera victime de la maladie d'Alzheimer. Demain, chacun d'entre nous sera touché dans son entourage proche : sa mère, son père, sa femme, son mari. Il est plus que temps de se mobiliser, de se préparer médicalement, matériellement, financièrement, humainement (...) Les pouvoirs publics doivent s'attaquer enfin de front à cette tragédie (...) Elle doit enfin être considérée comme une grande cause nationale », demande Jean Doudrich, président de France Alzheimer. Un « appel Alzheimer 2004 » lancé à tous les Français pour déclencher une prise de conscience collective.
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