Soigner la voix

Un cours pour « apprendre à dire »

Publié le 14/01/2004
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LE TEMPS DE LA MEDECINE

QUAND LIONEL PRÉVEL a répondu à la sollicitation du CFJ, en 1984, cet ancien de l'École nationale supérieure d'art dramatique de Strasbourg, comédien de théâtre, a fait œuvre de pionnier. « Les responsables de l'école avaient ressenti le besoin de former les élèves chez lesquels ils décelaient une relative faiblesse dans le travail vocal. On m'a demandé de leur fournir une base technique : mieux respirer, mieux articuler pour être audible, savoir ponctuer son texte et éviter de le débiter non-stop, nuancer les intonations et veiller à marquer l'arythmie, c'est-à-dire éviter de rester dans le même rythme tout au long de son papier. » Autant de techniques classiques dans le monde du théâtre mais encore inédites, à l'époque, dans le milieu des écoles de journalisme.
Il y a eu du travail. « Il y a deux défauts majeurs à corriger, explique le professeur-comédien : beaucoup ont tendance à chanter leur texte. Et ils forcent trop leur voix, ils parlent contre leur timbre. » Or, en radio, il faut une voix nature. « Bien sûr, concède Lionel Prével, il y a des voix excessivement nasales qui nécessitent de faire descendre un peu le médium dans le grave, vers un timbre plus buccal ou guttural, en utilisant la respiration ventrale et en modifiant les vibrations du larynx et les caisses de résonance du visage. Mais il n'y a pas de mauvais timbre. Si une voix peut paraître trop juvénile dans ses aigus, on gagnera en crédibilité par un débit plus lent. Le rythme crédibilise. »
En fait, tout l'art consiste à apprendre à lire sur un mode ludique, c'est-à-dire à apprendre à dire. « Souvent, chez ces étudiants, il y a une dichotomie entre l'intelligence de l'écriture et sa transposition orale. Sans qu'il s'agisse de les faire travailler comme des comédiens, puisqu'ils n'ont pas à faire une identification, ils vont apprendre le ton radio, comme un acteur prend le ton théâtre. »

Eviter les clones.

Mais attention au formatage : « Pour les mettre en garde sur le risque du clonage au micro, on étudie les accentuations arbitraires telles que les ont satirisées les Inconnus avec le célèbre "Tout-à-fait Thierry !  ". »
Moyennant quoi, Lionel Prével reconnaît que certaines antennes d'information continue débitent l'actualité au micro comme un robinet d'eau tiède. « Mais, assure-t-il, nous ne travaillons pas pour ces médias. Chacun, en assimilant la technique, doit trouver sa propre voix. Par exemple, prenez Poivre d'Arvor et Pujadas, qui opèrent tous les deux dans des exercices similaires. Le premier chuchote presque son texte, il cultive l'intimité, la confidentialité, alors que le second a une manière beaucoup plus sonore et claironnante de projeter son texte. »
Quelques conseils sont aussi enseignés sur le plan de l'hygiène de la voix : « Toujours avoir une bouteille d'eau, de préférence non pétillante ; bannir le chocolat avant l'antenne, mauvais pour l'articulation. En cas de forçage, le lait au miel est salutaire ».
Et le tabac ? « C'est difficile à proclamer, mais, c'est vrai que la cigarette fait plutôt les belles voix. »

> CHRISTIAN DELAHAYE

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7456