LES TÉNORS DU PS ont tous juré, au lendemain de la consultation, qu'il n'y aurait pas de règlement de comptes entre les partisans du « oui » et ceux du « non ».
Cette élégance n'est qu'apparente : le mouvement pour le « non » lancé par Laurent Fabius a provoqué une brouille entre l'ancien Premier ministre et François Hollande. Et si ce ne sont pas les discours vengeurs qui réduisent l'influence d'un homme politique, c'est le succès ou l'échec. On ne voit pas, même si tout est toujours possible, comment M. Fabius se relèvera de sa défaite, qui résulte aussi d'une erreur de choix dictée, quoi qu'il en dise, non par ses convictions, mais par son désir de s'assurer la première place de son parti, poste auquel les candidats sont nombreux. Qu'il continue à estimer que sa lourde défaite ne lui coûtera rien est déjà effronté.
Un leader modeste.
Et ce qui sape l'autorité de Laurent Fabius augmente celle de François Hollande. Voilà un homme qui, au lendemain de la terrible déroute de Lionel Jospin en 2002, s'est retrouvé seul pour recoller les morceaux du PS et remonter le moral des militants. Il a franchi ce cap difficile avec patience et parce qu'il est inlassable. En 2004, il a vaincu la droite aux régionales, puis aux européennes. A la fin de l'année, il s'engage sans réserves en faveur du « oui » et remporte cette partie aussi. Les Lang, Fabius, Strauss-Kahn vont-ils enfin cesser de ne voir en lui qu'un grand intendant ?
C'est plus que probable : M. Hollande a fait, avant les élections générales de 2002 et surtout après, un parcours sans faute. C'est un bon orateur, doué d'un sens politique qu'a confirmé sa traversée réussie de l'immédiat après-2002, et capable de négocier un compromis. Il rassure peut-être les Français plus qu'il ne convient à l'aile gauche du parti qui le considère comme un « bobo » (bourgeois-bohème) attardé, mais c'est toujours facile de coller des étiquettes : ce qui est intéressant, et rare, chez François Hollande, c'est qu'il a inventé le leadership modeste. Ce ne sont pas les « éléphants » qui devraient ignorer cette leçon.
D'ailleurs, si le pourcentage des « oui » obtenus a fait scintiller son regard de maître d'école derrière ses lunettes, il a évité tout triomphalisme. Il s'est directement adressé au chef de l'Etat pour qu'il commence à organiser le référendum national sur la Constitution de l'Union européenne. Façon de dire à Jacques Chirac que s'il voulait piéger la gauche lorsqu'il a annoncé son choix de la procédure référendaire contre la parlementaire, eh bien, c'est raté.
Bien que ses fonctions aient conduit M. Hollande à se livrer pendant trente mois à un harcèlement systématique du gouvernement, ce qui a beaucoup agacé la droite, il a eu raison de rester dans ce registre parce qu'il lui faut refaire l'unité du parti.
Il n'aura pas de mal : les Fabius, Montebourg, Mélenchon et Valls savent qu'ils ont perdu et qu'ils n'ont pas l'assise populaire indispensable à l'application de leurs idées. Non seulement une scission serait pour eux suicidaire, mais elle donnerait à la majorité une chance inespérée.
LE PS S'EST ENGAGÉ SANS LE DIRE EN FAVEUR DE LA SOCIAL-DÉMOCRATIE
Un moment de grâce.
Mais le « oui » des socialistes va bien au-delà des conflits d'idées au sein du PS. On aura remarqué qu'il a été salué par le président de la République, et avec enthousiasme par Valéry Giscard d'Estaing, ce qui montre que le pays était suspendu à la décision d'obscurs militants socialistes et accroît encore la légitimité du PS, premier parti du pays.
Il y a eu, jeudi dernier, un moment de grâce où la bataille, souvent mesquine et désagréable, entre la droite et la gauche a perdu de son intensité à propos d'un enjeu qui dépassait les querelles nationales pour toucher à l'intérêt supérieur du pays et, au-delà, celui de l'Europe et des Européens.
Lesquels ont d'ailleurs été surpris par la décision de M. Hollande de répondre au défi de M. Fabius par un référendum socialiste et ont perçu, avec une vague inquiétude, le danger de ce pari. De même que la majorité, dans son for intérieur, est reconnaissante au PS d'avoir mis un terme à une subite dérive antieuropéenne, de même les dirigeants européens et parmi eux, les socialistes, sont satisfaits que la France ait donné le premier signal d'un « oui » unanime. C'est pourquoi quelques-uns, socialistes ou non, garderont une dent contre M. Fabius : si tellement de gens se déclarent soulagés aujourd'hui, c'est bien parce qu'il leur a donné une sacrée frayeur.
Le « oui socialiste sur l'Europe dit quelque chose d'important sur le PS lui-même, dont Robert Badinter a souligné qu'il venait de confirmer son appartenance à la social-démocratie. « Le Figaro » voit dans l'événement un hommage rendu au giscardisme : deux Français sur trois qui seraient attachés à une sorte de social-libéralisme. Peut-être est-ce aller un peu vite en besogne : si François Hollande veut refaire l'unité du parti, il faut bien qu'il s'en tienne à la notion de « courants » et qu'il laisse vivre la minorité agitée. En outre, le PS a toujours eu besoin de se démarquer des programmes de la droite, ce qui est très difficile quand la droite engage des réformes indispensables, dictées non par l'idéologie mais pas la nécessité. Les socialistes vont devoir se prononcer tôt ou tard sur les réformes ; s'ils ne le font pas avant les élections de 2007, leur campagne sera celle de la surenchère et ils n'engageront leur vrai programme que lorsqu'ils auront reconquis le pouvoir.
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