DES 1992, le Dr Jean-Marie Andrieu (institut de recherche sur les vaccins et l'immunothérapie des cancers et du Sida, Paris) a testé l'hypothèse d'un blocage de l'activation lymphocytaire associée à l'infection par le VIH afin de combattre la maladie. Dans un premier temps, il a montré que, in vitro, un immunosuppresseur tel que la prednisone est doté d'une activité anti-apoptotique forte sur les cellules T activées infectées par le VIH, sans effet sur la réplication virale. Suite à ces premiers résultats (entre 1992 et 1993), un essai clinique pilote (44 patients sans groupe placebo et en simple ouvert) chez de patients asymptomatiques dont le nombre des CD4 était supérieur à 200/microl à l'entrée dans l'étude a été mis en place. Un an après le début du traitement (0,5 mg/kg/j de prednisone pendant les premiers six mois, puis 0,3 mg/kg/j) aucun des patients n'avait développé de signes cliniques de la maladie et leur nombre de CD5 était passé de 441 à 553 en moyenne. Les marqueurs de l'activation immunitaire sont revenus à la normale et la charge virale moyenne est restée inchangée.
Les patients inclus dans l'étude ont poursuivi leur traitement par prednisone, conjointement à la prescription d'antirétroviraux pour certains, tant que leur taux de CD4 restait supérieur ou égal à celui de l'entrée dans l'étude. Dix ans après le début de l'inclusion, deux patients, dont la charge virale était faible, étaient encore sous traitement par prednisone et n'avaient pas présenté de signes cliniques de la maladie.
« Globalement, le nombre des CD4 est passé de 421 en moyenne à 625 à J15, puis il a baissé de façon régulière jusqu'à atteindre 426 à vingt-quatre mois. Par ailleurs, l'apoptose des cellules T ainsi que les marqueurs de l'activation cellulaire sont revenus à la normale en quinze jours et leurs valeurs ont augmenté régulièrement après. La charge virale est restée stable à vingt-quatre mois. Enfin, le pourcentage des patients dont le compte de CD4 est resté supérieur à celui de l'entré est passé de 43,2 % à deux ans, à 11,4 % à cinq ans et 4,6 % à dix ans et ce chiffre était plus élevé dans le sous-groupe dont la charge virale était faible à l'entrée », analyse le Dr Andrieu.
Pour le Pr Jean-François Delfraissy (CHU Kremlin-Bicêtre), « l'analyse de ces données rétrospectives ne permet pas de conclure de façon formelle à un effet de la prednisone dans la mesure où la plupart des patients a bénéficié en outre d'un traitement par antirétroviraux et que, de ce fait, il est impossible de faire la part de l'effet positif entre les différentes molécules. En outre, les risques liés à l'utilisation des corticoïdes ne sont pas pris en compte : de nombreuses publications ont en effet fait état d'une majoration du risque infectieux sous corticoïdes y compris chez des patients asymptomatiques. Par ailleurs, l'association de tels traitements avec des antirétroviraux dont la tolérance est, elle aussi, mauvaise à long terme, pourrait se révéler difficile. Néanmoins, il faut reconnaître que la piste du blocage de l'activation lymphocytaire, développée par le Dr Andrieu, est actuellement évaluée par d'autres équipes et elle semble prometteuse ».
Pour le Pr Jacques Reynes (CHU Montpellier), « les études cliniques actuellement mises en place prennent en compte les effets anti-apoptose et anti-activation des molécules antirétrovirales, car il semblerait que ces médicaments soient véritablement dotés de tels effets qui potentialisera leur action sur la baisse de la charge virale ».
« BMC Medicine », 2004, 2 : 17, 5 mai 2004.
Des propositions d'études randomisées
Pour le Dr Andrieu, « ces résultats devraient inciter à la mise en place d'études randomisées. Dans les pays développés, l'association glucocorticoïdes/HAART devrait être testée en comparaison avec un HAART seul chez les patients souffrant d'infection primaire. Dans les pays en développement, la prednisone devait être testée contre placebo ou contre une abstention thérapeutique chez des sujets qui ne sont pas atteints par ailleurs d'infections opportunistes ». Pour le Pr Jean-François Delfraissy « tester la prednisone contre placebo dans les pays du sud n'est pas éthique puisque des antirétroviraux (de marque ou génériques) sont actuellement disponibles dans ces régions ». Pour le Pr Jacques Reynes (Montpellier), « il convient maintenant de mettre en place des essais randomisés évaluant l'intérêt de la prednisone contre placebo chez des sujets traités par ailleurs par antirétroviraux afin de quantifier de façon plus précise l'effet sur l'activation et sur l'apoptose des différentes molécules ».
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature