DE NOTRE CORRESPONDANTE
LES SPERMATOZOÏDES sont formés, au cours de la spermatogenèse, dans les tubes séminifères des testicules, à partir des cellules germinales qui subissent une succession de divisions cellulaires.
Pendant toute la spermatogenèse, les cellules germinales en développement (spermatogonies, puis spermatides) restent attachées aux cellules de soutien que sont les cellules de Sertoli. Cette adhésion est réalisée au moyen de jonctions adhésives à base d’actine totalement spécifiques des testicules (jonctions appelées spécialisations ectoplasmiques apicales).
Si cette adhésion est compromise, les cellules germinales se détachent de l’épithélium séminifère, d’où, souvent, une infertilité.
L’équipe du Dr C. Yan Cheng (Population Council, Center for Biomedical Research, New York) a rapporté l’année dernière qu’une nouvelle molécule, l’adjudine (AF-2364), est capable d’induire le détachement des cellules germinales de l’épithélium séminifère du rat, en rompant la jonction actine entre les cellules de Sertoli et les spermatides.
Fait notable : l’infertilité induite par l’adjudine chez le rat ne s’accompagnait d’aucun changement des taux hormonaux (FSH, LH, testostérone), ce qui indiquait qu’une action contraceptive pouvait être obtenue sans perturber l’axe hypothalamo-hypophyso-testiculaire. On a également observé que, lorsque l’adjudine disparaissait du sang et des testicules, la spermatogenèse et la fertilité étaient progressivement restaurées.
Toutefois, alors que l’adjudine paraissait non toxique dans la plupart des tests, une étude de toxicité infrachronique chez le rat montrait qu’il existait une marge étroite entre la sécurité et l’efficacité ; en effet, l’administration orale pendant un mois d’une dose élevée d’adjudine (50 mg/kg) entraînait des effets néfastes, comme une inflammation hépatique et une atrophie musculaire chez un tiers des rats (3 sur 10).
La FSH mutée comme un missile.
Dans une nouvelle étude, publiée dans « Nature Medicine », le Dr Cheng et coll. décrivent une nouvelle approche qui permet de délivrer l’adjudine uniquement dans les testicules, afin de réduire la toxicité et d’améliorer l’efficacité.
Puisque les récepteurs pour la FSH (Follicule-Stimulating Hormone) sont uniquement exprimés sur les cellules de Sertoli, la protéine FSH représentait en effet un excellent candidat pour transporter l’adjudine dans les testicules. Sous la condition, toutefois, de modifier la FSH de façon à lui ôter son activité hormonale.
Mruk et coll. ont donc créé une version mutée de la FSH, privée d’activité hormonale. Ils l’ont ensuite conjuguée à l’adjudine.
L’efficacité chez le rat de la combinaison adjudine-FSH mutée est nettement supérieure à celle de l’adjudine seule.
En effet, une seule injection intrapéritonéale de 50 µg/kg du conjugué (contenant seulement 0,5 µg/kg d’adjudine) entraîne, dès la quatrième semaine, l’absence totale de spermatides dans les tubules séminifères, ce qui était observé avec l’administration orale de 50 µg/kg d’adjudine non conjuguée, soit une dose orale cent fois supérieure.
Entre la 4e et la 6e semaine après traitement, tous les rats ayant reçu la combinaison adjudine-FSH mutée deviennent infertiles.
Un effet réversible.
Cet effet est réversible, avec une fertilité restaurée trois mois après chez la moitié des rats et cinq mois après chez tous les rats.
«Cela représente une augmentation importante de la sélectivité et de l’efficacité de l’adjudine en tant que contraceptif masculin, notent les chercheurs. Cette approche devrait atténuer les effets néfastes qui ont été détectés dans le foie et le muscle des rats mâles durant l’étude de toxicité infrachronique, pour deux raisons:premièrement, la dose utilisée pour induire le détachement des cellules germinales est nettement moindre que la dose orale utilisée précédemment; deuxièmement, le conjugué est délivré spécifiquement aux testicules, court-circuitant les autres organes.»
Les chercheurs ont grand espoir que ce composé puisse devenir une pilule pour l’homme, car les récepteurs FSH sont confinés, chez l’homme aussi, aux cellules de Sertoli des testicules.
Des études de toxicité plus approfondies sont nécessaires, et un essai clinique n’est pas envisagé avant cinq ans au moins, confie au « Quotidien » le Dr Cheng.
L’équipe va mettre au point une meilleure méthode pour produire des quantités plus grandes de protéine FSH mutante en utilisant la bactérie E.coli.
« Nature Medicine », 30 octobre 2006, Mruk et coll., DOI : 10.1038/nm1420.
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