La prévalence de la rhinite professionnelle (RP) est 3 fois plus élevée que celle de l'asthme professionnel et varie de 5 à 65 % suivant les études. En 2002, en France, 333 rhinites ont été reconnues comme maladies professionnelles.
LE DIAGNOSTIC DE RP (rhinite professionnelle) est souvent méconnu et, pourtant, il est important de le faire puisque de nombreuses études ont mis en évidence un lien certain entre rhinite et asthme professionnel. Exprimé sous le concept d'arbre bronchique unique, ce lien repose sur des travaux portant sur la muqueuse nasale et bronchique qui ont permis de mieux comprendre la similarité des symptômes (1) et sur de nombreuses constatations cliniques.
La réalisation d'une désensibilisation dans la rhinite allergique réduit significativement le risque ultérieur d'apparition d'un asthme.
La plupart des allergènes atteignent à la fois le nez et les bronches.
De nombreux patients rhinitiques ont une hyperréactivité bronchique non spécifique à la métacholine augmentée.
Une inflammation bronchique qui se traduit par une augmentation de l'épaisseur de la membrane basale et une inflammation modérée à éosinophile s'observent également. Sur un plan chronologique, la rhinite professionnelle apparaît le plus souvent avant l'asthme si l'allergène est de haut poids moléculaire et, dans la moitié des cas, en même temps que l'asthme, mais jamais après. Le plus souvent, le délai entre l'apparition de la rhinite et le déclenchement de l'asthme varie de 4,6 mois à 2,7 ans. Tous ces arguments portent à prendre en compte les RP.
Le curriculum laboris utile pour le diagnostic.
Le diagnostic de RP passe par ce que le Dr Henriette Dhivert-Donnadieu nomme un curriculum laboris ou interrogatoire soigneux des événements en relation avec l'activité professionnelle du patient. Le but est de faire le lien de cause à effet entre la présence d'un allergène sur les lieux du travail et l'expression de la symptomatologie : prurit nasal, éternuements, obstruction nasale, écoulement clair bilatéral antérieur ou postérieur. Ces symptômes doivent être persistants, c'est-à-dire être présents pendant plus de 4 jours par semaine et plus de 4 semaines par an. Une agueusie, une anosmie, une sinusite chronique et des céphalées peuvent accompagner les symptômes. La suspicion d'une cause professionnelle repose essentiellement, tout au moins au début, sur le fait que l'évolution de cette symptomatologie est rythmée par le cycle travail-repos.
Il n'est pas toujours aisé de faire la part entre rhinite due au travail et rhinite aggravée par le travail. L'origine IgE dépendante de la rhinite est suspectée si les symptômes se déclenchent après une période de latence contrairement à ceux qui se manifestent après une exposition unique (RUDS : Reactive Upper Airways Dysfunction Syndrome qui est une entité proche du syndrome d'irritation bronchique). L'origine allergique est également écartée si la rhinite fait suite à une exposition à un toxique. Les moyens du diagnostic allergologique sont restreints (prick test) ou peu contributif (IgE sérique). La rhinomanométrie antérieure qui objective une augmentation des résistances des voies nasales après test de provocation nasale est la plus contributive, mais reste compliquée. L'examen le plus simple est le PNIF (Peak Nasal Inspiratory Flow) qui mesure le débit inspiratoire maximal des cavités nasales (débit normal > 80 l/min) avant et après stimulation allergénique. La rhinite professionnelle est reconnue comme maladie professionnelle dans 16 tableaux de régime général de l'assurance-maladie, surtout au titre du 66 qui est celui des allergènes professionnels (voir encadré ci-dessous).
Dans les milieux professionnels se développent également avec une fréquence élevée des rhinites non allergiques dues à des facteurs irritants très divers.
Le piège des irritants.
La muqueuse naso-sinusienne, au même titre que la peau, subit son environnement. Le nez, qui est fortement vascularisé et possède une innervation très riche, est très irritable et des rhinites professionnelles non allergologiques peuvent se développer et se chroniciser au contact de facteurs irritants.
Les facteurs irritants les plus communs sont les changements de température comme il en existe dans les teintureries, chez les frigoristes ou par le fait de la climatisation. Les solutions avec solvants : essences, colle, White Spirit, glutaraldéhyde (stérilisation à froid du matériel médical en milieu hospitalier), chloramine des piscines peuvent aussi être en cause… D'autres facteurs sont irritants par contact ou dépôt : bois, métaux, farine… Il n'est pas toujours facile de différencier l'origine allergique de l'origine irritative. L'éviction du facteur irritant qui est souvent suivie d'une amélioration rapide représente un bon test. Toutefois, allergie et irritation peuvent être intriquées comme chez les coiffeurs, par exemple, qui peuvent développer une hypersensibilité IgE dépendante au henné, à la poudre de lypode, au latex, aux colorants… et qui inhalent de nombreuses substances irritantes comme l'ammoniaque, les thioglycolates, les défrisants alcalins… évoquer l'origine professionnelle d'une rhinite nécessite donc une collaboration pluridisciplinaire (pneumologue, ORL, médecin du travail…). Si une sensibilisation immunologique est mise en évidence, le rôle de l'allergie est confirmé. Avant de réaliser ces tests, l'histoire clinique peut être évocatrice « d'irritation » (sensibilité croissante au contact d'irritants due à une altération de la muqueuse de plus en plus sensible), il faut alors réaliser un examen endonasal qui est souvent très instructif, comme le dit le Pr Jean-Michel Klossek : «Ne cherchons pas la difficulté là où des choses très simples peuvent apparaître et regardons le nez avant de faire des tests de provocation nasale.» Si l'éviction n'est pas possible, il faut réduire l'exposition (port d'un masque par exemple) et penser au lavage nasal qui est essentiel.
D'après les communications du Dr Henriette Dhivert-Donnadieu (Montpellier) et du Pr Jean-Michel Klossek (Poitiers) lors de la session « Rhinite professionnelle » (1) Demoly P. Bull Acad Natl Med. 2005 Oct;189(7):1461-73.
Principales étiologies des rhinites professionnelles
D'après les données issues de l'observatoire régional des rhinites allergiques professionnelles en 1998, les principaux facteurs étiologiques sont :
– les farines : 25 % ;
– le latex : 15 % ;
– les persulfates alcalins (produits utilisés par les coiffeurs pour la décoloration) : 14 % ;
– les bois aldéhydes (agglomérés, parquets stratifiés, colles de moquette, papiers peints, vernis, etc.) : 6 %.
Les secteurs d'activité touchés sont :
– la boulangerie, où les rhinites dues aux farines et enzymes sont entre 1,5 et 3,4 fois plus fréquentes que les asthmes ;
– le personnel de soins, avec les allergies au latex, qui est incriminé dans 9 à 12 % des cas, ainsi que les allergies aux ammoniums quaternaires et au glutaraldéhyde ;
– le personnel de laboratoire, chez qui la fréquence de survenue d'une RP est entre 2 et 6 fois supérieure à celle des asthmes professionnels : allergènes, rats, souris, cochons d'Inde...
– les métiers de la mer, en raison des allergies aux protéines de crabe, de crevette, nourriture pour poisson...
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