La première étape majeure qui a marqué l’évolution de l’approche médicamenteuse de la LMC a été l’introduction de l’interféron alfa. En termes de survie, des résultats déjà prometteurs obtenus avec cette molécule ont été considérablement améliorés par son association avec la cytarabine (1). Cette association a ainsi été considérée comme le traitement standard de la leucémie myéloïde chronique (LMC). Le taux de réponse cytogénétique complète était de 30 % environ. En cas de résistance à l’interféron, les options thérapeutiques étaient limitées, toxiques et peu efficaces.
En 2000, la prise en charge thérapeutique s’est enrichie d’une nouvelle molécule, l’imatinib, inhibiteur spécifique de la tyrosine kinase de l’oncoprotéine chimérique Bcr-abl.
L’imatinib, une révolution thérapeutique.
L’étude IRIS (International Randomized Study of Interferon and STI 571) avait comparé l’imatinib à ce traitement de référence (2). Mille cent six patients en phase chronique de LMC, non encore traités, ont ainsi été inclus aux Etats-Unis, en Europe et en Australie. Ils ont aléatoirement reçu soit de l’imatinib, soit l’association d’interféron alfa et de cytarabine. Les résultats portant sur une durée moyenne de suivi de dix-neuf mois ont été publiés en 2003. Ils ont montré que l’imatinib permet d’obtenir un taux élevé de réponse, avec une meilleure tolérance. Cette molécule est ainsi devenue le traitement de première intention de la LMC.
Les résultats à l’issue de cinq ans de suivi ont été publiés en 2006 (3). Sous imatinib, les meilleurs taux cumulés de réponse cytogénétique complète ont été de 69 % à douze mois et de 87 % à soixante mois. Environ 7 % des patients ont progressé vers la LMC en phase accélérée ou la crise blastique. Le taux de survie globale des patients ayant reçu de l’imatinib comme traitement initial a été de 89 % à cinq ans, contre moins de 70 % dans les précédentes études portant sur l’association interféron alfa-cytarabine.
Le risque de progression de la maladie a été significativement plus faible en cas de réponse cytogénétique complète ou lorsque les taux de transcripts BCR-ABL ont diminué d’au moins 3 logs. Les événements indésirables de grade 3 ou 4 ont diminué avec le temps et ont concerné moins de 3 % des patients après la quatrième année.
Cependant, la possibilité offerte aux patients de changer de bras (cross-over en cas de toxicité et/ou d’échec) a empêché qu’une analyse sur la survie soit contributive.
Du fait de l’important taux de cross-over dans l’essai IRIS, une comparaison historique des résultats obtenus chez 551 patients de l’étude IRIS sous imatinib et de 325 malades sous interféron alfa et cytarabine dans l’essai CML 91, menée entre 1991 et 1995, a été réalisée (4). Elle confirme que, sur une durée de suivi de 42 mois, le taux de réponse cytogénétique complète, la survie sans transformation et la survie globale sont significativement plus élevés sous imatinib. L’amélioration de la survie a été montrée chez les patients ayant différents scores pronostiques de Sokal. Ces résultats ont fait l’objet de recommandations issues d’un consensus réunissant Européens et Nord-Américains (5). Le consensus indique par ailleurs que la greffe de cellules souches allogéniques ne doit plus être proposée en première intention.
Les résistances acquises à l’imatinib sont considérées classiquement comme résultant de mutations dans le domaine bcr-abl. Le changement de configuration qui en résulte ne permet plus un couplage satisfaisant avec l’imatinib. Le clone muté prend alors l’avantage, ce qui rend compte de la progression de la maladie. D’autres voies de signalisation oncogéniques sont également mises en jeu (6). Ces données soulignent l’importance du suivi sous traitement pour permettre la mise en oeuvre de stratégies thérapeutiques adaptées. Ces dernières peuvent faire appel au dasatinib, qui est indiqué en cas de résistance ou d’intolérance à un traitement antérieur, dont l’imatinib, puisqu’il est actif sur les formes mutées du gène Bcr-Abl, à l’exception de la mutation T3151. D’autres stratégies thérapeutiques sont enfin à l’étude, utilisant le LBH 589, le SKI 606 ou le nilotinib.
Enfin, l’étude française SPIRIT (STI571 ProspectIve RandomIzed Trial), actuellement en phase d’inclusion des patients, a pour objectif de déterminer l’efficacité sur la survie de hautes doses d’imatinib ou de l’association imatinib et interféron pégylé ou cytarabine.
D’après un entretien avec le Pr François Guilhot, centre de recherche clinique du CHU, Poitiers, oncologie hématologique et thérapie cellulaire.
(1) Guilhot F et coll. « N Engl J Med » 1997 ; 337 : 223-229.
(2) O’Brien SG et coll. « N Engl J Med » 2003 ; 348 : 994-1004.
(3) Druker BJ et coll. IRIS Investigators. « N Engl J Med » 2006 ; 355 (23) : 2408-2417.
(4) Roy L et coll. « Blood » 2006 ; 108 : 1478-1484.
(5) Baccarani M et coll. « Blood » 2006 ; 108 : 1809-1820.
(6) Sorel N et coll. « Blood » 2006 ; 108 : 1782-1783.
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