Dans la crise irakienne, la diplomatie a triomphé, mais la guerre ne sera pas nécessairement évitée. On ne doit nourrir aucune illusion sur la détermination de George W. Bush qui, renforcé par son succès aux récentes élections générales, bénéficie d'un très fort soutien national, à défaut de celui de ses alliés.
Jacques Chirac a obtenu que, si Bagdad ne se plie pas à la résolution 1441 de l'ONU, le Conseil de sécurité se réunira de nouveau pour décider de la marche à suivre. C'est ce qu'on a appelé la méthode en deux temps. Elle ouvre la voie à toutes les interprétations possibles : des refus de Saddam pourront être considérés comme transitoires par les pays hostiles à la guerre, son obéissance pourra être interprétée comme hypocrite ou mensongère par les Américains.
Dans la confusion qui naîtra alors, les Etats-Unis finiront par tourner le dos à l'ONU, et vite ; à plusieurs reprises déjà, M. Bush a souligné la responsabilité des Nations unies dans l'évolution de la crise, non pour s'en remettre à elle mais pour démontrer que, si elle n'a pas le courage de lancer un ultimatum définitif à Bagdad, elle perdra à ses yeux toute légitimité et contraindrait les Etats-Unis à lancer une action militaire.
Seulement en hiver
Or le temps presse. Il ne peut y avoir d'offensive qu'en hiver. Et si les dirigeants irakiens tentent de gagner du temps, les Américains seront prompts à déjouer la manuvre.
En d'autres termes, tout dépend de Saddam Hussein. Même si ses provocations et ses atrocités laissent peu de doute sur sa volonté d'échapper à des inspections efficaces (pour lui, elles constituent une atteinte à la souveraineté irakienne), on ne peut pas complètement exclure qu'il finisse par être touché par la grâce : il ne peut pas gagner une guerre contre l'Amérique ; sa défaite et sa disparition, physique ou politique, seraient plus graves pour lui que le problème de relations publiques que les Etats-Unis auraient à affronter en cas d'action unilatérale.
Nous nous permettrons donc de lui donner un conseil qu'il pourrait appliquer au nom de ses propres tactiques et de sa « philosophie ». Il lui suffit d'annoncer que l'adoption de la résolution onusienne est sa plus belle victoire et qu'il a remporté, à lui seul, une guerre qu'il n'aura pas eu besoin de livrer ; que les inspections, si rigoureuses soient-elles, ne démontreront qu'une évidence, à savoir qu'il ne possède pas d'armes de destruction massives.
Il peut le dire car, même si on en trouve, rien ne l'oblige à le faire savoir aux Irakiens, puisqu'il contrôle tous les moyens de communication interne de son pays. En somme, s'il se laisse désarmer, il peut garder le pouvoir, effectivement éviter une guerre qui risque de l'engloutir, et continuer à faire régner l'arbitraire sur son peuple.
Une solution peu satisfaisante
Ce n'est pas du tout une solution idéale, ne serait-ce qu'en raison des souffrances des Irakiens et de la capacité de nuisance de leur dictateur. Mais, encore une fois, s'il fallait éliminer toutes les dictatures de la face de la Terre, les armées du monde n'y suffiraient pas.
Bien entendu, nous ne croyons guère à cette évolution relativement positive du conflit. Il demeure que, aussi mégalomane qu'il soit, cet homme-là est doué, comme les autres, de l'instinct de conservation. Tout démontre d'ailleurs - ses sosies, ses déplacements multiples d'un palais à l'autre et son extrême mobilité de cible trop tentante - qu'il n'a pas envie de mourir. Mégalomane, pas suicidaire.
Il faudrait cependant, pour qu'enfin il se résigne à des inspections exhaustives, qu'il ait compris au préalable que M. Bush a déjà décidé d'envoyer un corps expéditionnaire en Irak, ce que prouve l'arrivée discrète mais massive d'équipements, de navires de guerre et de militaires américains dans la région. Il faudrait que Saddam comprenne que M. Bush ne dispose que d'un créneau dans son calendrier : de décembre à mars. Et que, par conséquent, le président irakien doit admettre que non seulement l'intervention des Etats-Unis est inéluctable, mais qu'elle aura lieu très bientôt, pas dans un an.
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