«RÉUNION PAS DÉNUÉE d’intérêt» pour la Csmf, «avancée» pour le SML, «lignes qui bougent» pour Alliance : derrière les propos mesurés des syndicats médicaux, une évidence. Les négociations tripartites – assurance-maladie, complémentaires santé, médecins – sur le secteur optionnel qui autorisera certains praticiens à facturer des suppléments d’honoraires encadrés et remboursés s’accélèrent. Et la solution de compromis dévoilée dans nos colonnes (« le Quotidien » du 31 janvier), proposée par la Csmf et soutenue par le SML, a marqué des points.
Ce projet que les complémentaires santé et l’assurance-maladie ont accepté d’examiner consiste à étendre à certains praticiens de secteur I (en commençant par les anciens chefs de clinique – Acca) l’option de coordination existante, réservée jusque-là aux médecins du secteur II et choisie par 700 « pionniers ». Mais pour convaincre davantage de chirurgiens et spécialistes de secteur II d’y adhérer, les conditions d’exercice au sein de cette option seraient rendues plus attrayantes. Une âpre négociation en perspective. Aujourd’hui, les médecins de secteur II qui choisissent l’option de coordination s’engagent à réaliser 30 % de leur activité aux tarifs de la Sécu et, pour leurs actes techniques dans le parcours de soins, à «maîtriser» leurs dépassements, plafonnés à 15 % des tarifs opposables. En contrepartie, l’assurance-maladie assure une prise en charge partielle des cotisations sociales.
Mais, à ces conditions, rares sont les chirurgiens de secteur II qui ont franchi le cap. « Les curseurs actuels de l’option sont inadaptés à la chirurgie, mais on peut les rendre plus attrayants, cela vaut aussi pour d’autres spécialités comme les pédiatres et les gynécologues médicaux», explique Michel Chassang, président de la Csmf. Pour le SML, la «ligne jaune à ne pas franchir est que cette option doit rester incitative et non impérative». Le Dr Félix Benouaich, président du syndicat Alliance, précise qu’il faudra autoriser les médecins de secteur II qui adhèrent à l’option à changer d’avis en cas de déconvenue, autrement dit prévoir un «droit au bilan et au retour».
Quoi qu’il en soit, les partenaires sont convenus de se revoir dès le 15 février autour de cette piste de travail sérieuse ; ce sera la troisième fois en un mois que le secteur optionnel réunit tous les acteurs impliqués. L’habilitation du ministre de la Santé à intervenir sur ce dossier par arrêté a contribué à augmenter la cadence.
Deux tiers des dépassements à la charge des ménages.
La dernière réunion a permis d’y voir plus clair sur les pratiques tarifaires en chirurgie et la prise en charge par les contrats complémentaires.
L’Union nationale des caisses d’assurance-maladie (Uncam) a présenté un état des lieux des dépassements d’honoraires des chirurgiens : répartition par spécialités chirurgicales (tableau ci-dessous), taux de dépassement par acte, variations géographiques, évolution depuis vingt ans. Cet audit, qui n’a pas été remis en cause par les syndicats, montre des taux moyens de dépassements en chirurgie variant de un à dix entre départements, très inégaux selon les actes pratiqués (souvent supérieurs à 40 % pour les actes fréquents), et plus élevés en volume et en valeur dans les zones à forte proportion de secteur II ; or, dans une quinzaine de départements, plus de 90 % des chirurgiens sont en secteur II ou dépassement permanent (DP). Paris, les Hauts-de-Seine, le Rhône mais aussi le Bas-Rhin et les Alpes-Maritimes sont les départements où les taux de dépassements sont les plus importants. De son côté, l’Union nationale des organismes complémentaires (Unocam, qui réunit mutuelles, assureurs et institutions de prévoyance) a expliqué que «la prise en charge actuelle des dépassements n’est ni générale ni illimitée».
Au total, évalue l’Unocam dans une étude dont « le Quotidien » a eu copie, «deux tiers des dépassements d’honoraires pratiqués en secteurII» restent à la charge des ménages, un tiers étant remboursé par les complémentaires (tous contrats confondus). Quatre personnes sur dix couvertes n’ont aucune prise en charge des dépassements sur leurs consultations. Surtout, explique-t-on à l’Unocam, «la tendance récente est marquée par une limitation de la prise en charge des dépassements par les complémentaires». Les contrats collectifs santé ont tendance à plafonner le remboursement des dépassements et les offres de garantie en « frais réels » se raréfient. Pour Michel Chassang (Csmf), c’est bien la preuve qu’il y a un «besoin urgent de solvabilisation des assurés» et que les médecins y ont tout intérêt. C’est l’objectif du secteur optionnel puisque les compléments d’honoraires seront remboursés.
Contreparties mesurables.
Les financeurs ne s’engageront pas à n’importe quel prix.
Pour bénéficier de ce nouvel espace de liberté tarifaire encadré, les médecins devront accepter des engagements de qualité des pratiques et de transparence qui restent à définir. Les critères de formation initiale et continue, d’évaluation des pratiques professionnelles, de certification mais aussi l’adhésion à des protocoles de soins ou encore le respect de seuils d’activité minimaux pourraient être utilisés. Les services de la Cnam ont compilé la littérature existante sur ce sujet.
«Le complément d’honoraires remboursé devra avoir une contrepartie mesurable», insiste-t-on du côté des complémentaires.
Reste la question qui peut tout faire capoter : la régulation du secteur II actuel, réclamée aussi bien par le régime obligatoire que par les complémentaires santé. Les assureurs poursuivent ici deux objectifs : mettre un terme aux pratiques tarifaires abusives dans le secteur II (autrement dit plafonner d’une façon ou d’une autre les dépassements et faciliter les sanctions contre les contrevenants) ; et, si possible, contingenter l’accès au secteur II pour les nouvelles installations.
Décidément complexe, l’équation du secteur optionnel comporte encore plusieurs inconnues.
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