AU BOUT du marathon conventionnel, l'accord enfin possible. Même si les syndicats de médecins libéraux et l'assurance-maladie n'ont pu conclure formellement leurs négociations conventionnelles, au terme de vingt heures de discussions non-stop (dont toute la nuit et la matinée de vendredi), la perspective d'un accord majoritaire s'est très sérieusement rapprochée, dans la foulée des interventions directes du gouvernement (Philippe Douste-Blazy, Xavier Bertrand et Matignon ont été sollicités par téléphone).
Sobrement intitulé « projet », un nouveau point d'étape de quinze pages a été mis sur la table, alors que deux syndicats (MG-France et la FMF) l'avaient déjà quittée. Ce texte détaille les revalorisations d'honoraires du médecin traitant et des spécialistes correspondants, prévoit une « option de coordination » pour les praticiens de secteur II et comporte surtout un nouvel arbitrage (définitif) sur les dépassements, répondant partiellement aux attentes des praticiens de secteur I (lire ci-dessous l'ensemble des mesures). Les syndicats et l'assurance-maladie doivent se revoir mercredi, non pas pour tout rediscuter, mais bien pour finaliser un texte qui devrait être proche de la version actuelle. « On est allé au bout de ce que les uns et les autres prouvaient concéder », analysait, les traits tirés, un des principaux négociateurs.
Qui va signer ? Frédéric van Roekeghem, directeur de l'Union nationale des caisses d'assurance-maladie (Uncam), a levé un coin du voile en affirmant qu'il y a « un accord de principe des trois syndicats » (la Csmf, majoritaire, le SML et Alliance), même si aucune organisation n'a voulu parapher le relevé d'étape. Pendant le week-end écoulé, la Csmf et le SML réunissaient en effet des assemblées générales cruciales, devant lesquelles les présidents voulaient se présenter « les mains libres », c'est-à-dire sans signature préalable.
Une stratégie habile : il s'agissait d'expliquer aux troupes que tout a été fait, sans rien céder, pour défendre les intérêts des médecins dans les limites des contraintes financières de l'assurance-maladie. D'où des discours à chaud extrêmement (exagérément ?) prudents. « Le compte n'y est pas », résumait le Dr Dinorino Cabrera, président du SML. « Un demi-échec », fulminait le Dr Michel Chassang, patron de la Conf'. Quant à MG-France et la FMF, ils ont quitté la table des discussions, de guerre lasse, mais sans consommer la rupture. Le directeur de l'assurance-maladie n'excluait d'ailleurs pas de les ramener dans le jeu conventionnel, même si cela semblait beaucoup plus difficile, voire impossible. « A cette heure, je ne vois plus aucune clarté dans le dispositif », avait alors expliqué le Dr Pierre Costes, président de MG-France.
Un petit secteur II pour tous.
Sur le fond, le dernier texte sorti du chapeau, dans un climat de lassitude généralisée fort compréhensible, contient des avancées non négligeables pour les médecins du secteur I. Même si elles ne sont certainement pas à la hauteur des attentes. Pendant une dizaine d'heures, l'assurance-maladie et les syndicats ont tenté, sans succès, de formaliser un impossible compromis sur les modalités des dépassements d'honoraires en accès libre (non coordonné), point de blocage principal des négociations. Après l'arbitrage nécessaire du gouvernement, la proposition de la caisse s'est singulièrement rapprochée des revendications des spécialistes, puisque, selon certains observateurs, un « petit » secteur II accessible à tous est consacré.
Chacun jugera : si l'accord intervient sur ces bases, les spécialistes du secteur I pourront réaliser jusqu'à 30 % de leurs honoraires totaux annuels en dépassements, alors que l'assurance-maladie voulait limiter la part d'activité en dépassements à 20 % au maximum (80 % restant en tarifs opposables). Le pas vers les syndicats est indéniable.
Restait la question cruciale du plafonnement, sur laquelle le directeur de l'assurance-maladie et les ministres de tutelle ont cédé moins de terrain. Les dépassements seront plafonnés à hauteur de 17,5 % pour chaque acte effectué (clinique ou technique), sur la base des tarifs applicables dans le parcours de soins, donc déjà majorés. Ce qui porterait la CS en accès libre à 31,72 euros au maximum en 2005 (selon un calendrier progressif) et 32,9 euros au 1er janvier 2006. Ce n'est pas rien, mais il est vrai que la Csmf et le SML exigeaient une moyenne globale, et surtout pas un plafonnement limité par acte, plus difficile à « vendre » à une base sensible au discours des coordinations.
Mort programmée du référent.
Du côté des généralistes, le verre conventionnel est à moitié plein ou à moitié vide. Ainsi, le forfait annuel de 40 euros par patient en ALD (prévu pour le médecin traitant, qui sera dans 90 % des cas un généraliste) et la revalorisation ciblée de la consultation pour les moins de deux ans ne sauront remplacer l'augmentation uniforme du C, à laquelle les médecins de famille étaient habitués en cas d'accord conventionnel. Beaucoup de médecins attendaient un « geste fort » sur l'acte de base, au moins programmé. Pour les généralistes de la FMF, la pilule ne passe pas. « Une journée noire pour la médecine générale », estime même le Dr Jean-Paul Hamon, un de leurs chefs de file.
Quant au dispositif du médecin référent mis en place en 1998, option honnie par la Csmf et le SML, qui voulaient sa peau coûte que coûte, sa mort est programmée. Un enterrement en deux ans. Aucune nouvelle adhésion ne sera possible à compter de l'entrée en vigueur de la convention. Les contrats des assurés ayant déjà adhéré pourront être renouvelés une seule fois. Un dommage collatéral éminemment symbolique, sans doute très difficile à admettre pour MG-France et la Cfdt.
A lire également :
> Les principales dispositions du texte (13/12/2004)
> Voyage au bout de la nuit (13/12/2004)
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