QUELQUES JOURS après l'accord conclu entre l'assurance-maladie et les syndicats médicaux signataires de la convention (« le Quotidien » du 19 mars), Xavier Bertrand reste un peu seul à se féliciter ouvertement de ce compromis arraché après trois mois de négociations ardues. «C'est un accord important qui ne demandera pas d'efforts aux assurés sociaux, s'était réjoui immédiatement le ministre de la Santé dans « le Journal du Dimanche ». L'enjeu est clairement de montrer aux jeunes que la médecine générale reste attractive.»
Xavier Bertrand, porte-parole du candidat UMP Nicolas Sarkozy, peut s'enorgueillir d'avoir évité un conflit avec les médecins libéraux. Mais les deux arguments qu'il invoque pour justifier l'accord (aucun impact pour les assurés, attractivité restaurée de la médecine générale) sont contestés.
Du côté des partenaires sociaux, beaucoup s'inquiètent déjà du coût final pour l'assurance-maladie de revalorisations tarifaires accordées sous «pression politique», à l'heure où les dépenses du début d'année semblent dynamiques (lire page 6). Le passage à 22 euros au 1er juillet représente à lui seul 130 millions d'euros pour 2007 (260 millions en année pleine).
Les diverses mesures prévues pour les spécialistes (encadré), mais qui restent à finaliser, pourraient coûter près de 100 millions d'euros supplémentaires à la Sécu. Si l'on ajoute le coût des négociations avec les professionnels paramédicaux, le risque d'un dérapage des dépenses maladie au-delà du seuil d'alerte devient très élevé. Pour le président Cfdt de l'assurance-maladie, Michel Régereau, cet accord risque donc, par effet de ricochet, de «pénaliser à nouveau les malades» par d'inévitables mesures de redressement sur le remboursement le moment venu. Un avis partagé par les présidents de la MSA (agriculteurs) et du Régime des indépendants (RSI).
Michel Régereau déplore que «aucun mode de rémunération structurant n'ait été retenu, mais seulement des revalorisations des consultations. L'introduction de forfaits de qualité ou de prévention, l'intervention sur les zones sous-densifiées, le développement de la médecine de groupe, ou encore le principe de délégations de tâches sont donc exclus de l'accord».
Pour André Hoguet (Cftc), chargé de la commission de suivi des dépenses de santé à l'assurance-maladie, il y a une «réelle inquiétude» partagée face au risque d'un prochain «coup de clairon» du comité d'alerte.
Sans surprise, la gauche ne se prive pas de critiquer la forme et le fond de l'accord entre les médecins et la Sécu. «La première leçon, c'est qu'il faut changer ce mode de négociations exclusivement tarifaires, à bout de souffle, analyse Claude Pigement, pour le Parti socialiste. Les contreparties demandées aux médecins auraient pu être beaucoup plus précises et les conditions du passage du C à 23euros sont incompréhensibles.» Que se passera-t-il en effet si le budget des soins de ville pour 2008, voté par la prochaine majorité en fin d'année, n'offre aucune marge de manoeuvre sur les honoraires ? Le rendez-vous conventionnel de décembre prochain risque d'être sportif.
La mise en garde de l'Umespe.
Du côté des syndicats médicaux, le balancier oscille entre les critiques tonitruantes – attendues – des opposants à la convention (lire ci-dessous) et la satisfaction mesurée des signataires, signe que les avancées ne sont pas à la hauteur des attentes.
La Csmf, qui soumettra ce texte à son assemblée générale samedi et dimanche prochains, s'en tient au service minimum. «L'essentiel est préservé», résume Michel Chassang, président de la Confédération, à propos du relevé de conclusions signé. Il réclame des «relations normalisées» avec les caisses et proposera dans les prochaines semaines un «contrat de bonnes pratiques conventionnelles». Mais sa puissante branche spécialiste, l'Umespe, critique un accord «incomplet» et notamment le fait que les spécialités cliniques de proximité sont «totalement oubliées» pour l'instant . L'Umespe maintient sa menace d'un désengagement des spécialistes des parcours de soins.
Les choses devraient néanmoins avancer dès cette semaine, qu'il s'agisse de l'assouplissement du C2 (avec la possibilité de coter une deuxième consultation spécialisée après cet avis de consultant) et des compensations pour les spécialités perdantes (pédiatres, psychiatres, anapaths...). «Nous allons aboutir dans les prochains jours pour les spécialistes», affirme Michel Chassang, confiant avant son assemblée générale. Le Syndicat des médecins libéraux (SML) déplore, pour sa part, malgré les acquis de la négociation, des avancées «insuffisantes» et notamment la date «trop éloignée» en 2008 du passage du C à 23 euros. Là encore, le SML consultera ses instances pour «accepter ou non» le relevé de conclusions.
Généralistes, spécialistes : ce qui est prévu
Ce relevé de conclusions doit se traduire dans un avenant.
• Honoraires généralistes
– Augmentation à 22 euros au 1er juillet 2007 des lettres clés C et V.
– C à 23 euros en 2008 ; mise en oeuvre prévue «au 1erjuin 2008» sous conditions (marges de manoeuvre de la loi de financement de la Sécurité sociale ; engagement des médecins dans la maîtrise médicalisée et dans la prévention en 2007 et 2008).
– Rendez-vous conventionnel avant le 31 décembre 2007.
• Prévention en 2006 (objectifs collectifs, accompagnement individuel)
– Dépistage précoce du cancer du sein par mammographie des femmes âgées de 50 à 74 ans (objectif : 80 % de femmes dépistées en trois ans contre un taux actuel de 66 %).
– Lutte contre l'iatrogénie médicamenteuse chez les personnes âgées (objectif : diminution du nombre de patients âgés polymédiqués, qui consomment au minimum 7 médicaments par jour).
– Vaccination antigrippale chez les personnes âgées (objectif : couverture antigrippale de 75 % pour les plus de 65 ans contre 63 % aujourd'hui).
– Diabète : expérience pilote d'accompagnement des patients diabétiques (donnant lieu pour le médecin traitant à un forfait annuel de 10 euros par patient dans le programme).
• Maîtrise médicalisée 2008
Accélération des engagements sur les thèmes de 2007 : antibiotiques ; statines ; anxiolytiques et hypnotiques ; antihypertenseurs ; IJ ; respect du « bizone » ; IPP ; transports.
• Spécialistes
– Ccam technique : mise en oeuvre de la deuxième étape de convergence vers les tarifs cibles en deux phases, 1er juillet 2007, puis 1er janvier 2008 (coût : entre 50 et 80 millions d'euros). Principe : augmentation des actes gagnants de l'ensemble des spécialités (sauf radiologues, cardiologues interventionnels, médecins nucléaires, radiothérapeutes). Le niveau du supplément de numérisation des actes de radiologie sera revu.
– Avis de consultant : réexamen des règles du « C2 » (la Csmf demande la possibilité pour les spécialités cliniques de réaliser une consultation spécialisée – CS – après un « C2 », si des examens sont nécessaires).
– Psychiatres : mise en place d'une majoration pour les consultations familiales en pédopsychiatrie.
– Pédiatres : revalorisation de certaines consultations de prise en charge des enfants «particulièrement vulnérables» (à définir).
–Anapaths : majoration conventionnelle provisoire pour le diagnostic histo-pathologique de tumeurs malignes.
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