2-6 juin 2006 - Toronto
LA FRACTURE survient lorsque la contrainte exercée sur l’os excède sa résistance. Or les évaluations du risque fondées sur la seule résistance osseuse présupposent le premier paramètre constant, ce qui n’est évidemment pas le cas. La contrainte mécanique exercée sur l’os lors d’une chute, ou d’un effort quelconque, dépend en effet de la taille, du poids et de la géométrie corporelle, toutes variables qui diffèrent selon le sexe et évoluent avec l’âge. L’importance des paramètres cinétiques a d’ailleurs été montrée, notamment pour les fractures du col du fémur. On tente donc de développer des modèles biomécaniques susceptibles de rendre compte du risque réel et, le cas échéant, de l’évolution de ce risque sous traitement, de manière plus fidèle qu’une simple mesure osseuse. Un modèle de ce type, développé aux Etats-Unis, a été présenté lors du congrès de l’IOF par Mary Bouxsein (Harvard Medical School, Boston).
Le risque est indiqué par le rapport de la contrainte sur la résistance. La contrainte est calculée de plusieurs manières selon la localisation. Au niveau du fémur et du radius, la force appliquée à l’os lors d’une chute frontale ou latérale a été déduite d’expériences effectuées avec des mannequins ou des volontaires. A l’étage lombaire, la pression s’exerçant en L3 a été calculée à partir d’un modèle géométrique figurant le tronc et restituant les différents angles en fonction des paramètres morphologiques. Les calculs ont été effectués dans trois contextes : repos vertical, flexion avant de 90° et flexion avant pour soulever un poids de 10 kg.
Le rapport contrainte/résistance.
La résistance osseuse à la compression et à la flexion a, elle, été déduite de mesures effectuées aux différents sites par scanner périphérique à haute résolution (QCT).
Le modèle a été appliqué à la cohorte QCT de la Mayo Clinic, soit 327 hommes et 374 femmes âgés de 20 à 90 ans, le rapport contrainte/résistance étant calculé pour les trois sites, en fonction des paramètres morphologiques et osseux de chaque sujet.
Chez l’adulte jeune, au niveau du poignet, le rapport contrainte/résistance est inférieur – donc meilleur – de 32 à 51 % chez les hommes. L’évolution du rapport avec l’âge est par ailleurs plus rapide chez les femmes. Au niveau du col du fémur, l’écart entre les sexes est marginal chez les sujets jeunes. A partir de 50 ans, on constate cependant une franche augmentation du rapport chez les femmes, augmentation continue par la suite, alors que, chez l’homme, l’augmentation ne semble concerner que la tranche d’âge 60-70 ans. Enfin, concernant le risque vertébral, l’accroissement est régulier avec l’âge, dans les deux sexes et quelle que soit l’activité. Cette évolution est toutefois significativement plus rapide chez les femmes. Un rapport > 1, c’est-à-dire prédictif d’une fracture, selon le modèle, est ainsi constaté pour l’activité de portage chez 32 % des femmes de plus de 50 ans, contre 12 % des hommes.
D’une manière générale, le modèle rend relativement bien compte du risque fracturaire constaté cliniquement dans la population, en particulier pour les fractures du poignet, qui affectent beaucoup plus fréquemment les femmes âgées, et les fractures vertébrales, dont les prévalences, après 50 ans, sont effectivement dans l’ordre de grandeur des valeurs calculées ici. Selon Mary Bouxsein, la convergence est moins évidente pour les fractures de hanche : «Le modèle ne rend compte que d’une partie du risque réel.»
En toute hypothèse, des études cliniques sont nécessaires pour valider le modèle, et sans doute lui apporter quelques raffinements. Mais, en principe, il paraît possible d’approcher le risque réel, d’améliorer ainsi la prédiction individuelle par rapport à la simple mesure osseuse, d’affiner la prescription et l’évaluation des traitements, et, aspect également important, d’insister préventivement auprès des patients sur le fait que le risque n’est pas simplement lié à une affection sous-jacente, mais aussi à leurs propres activités.
Une préoccupation déjà ancienne
Si les tentatives pour développer des modèles biomécaniques réalistes sont relativement récentes, le constat de l’insuffisance de la densité minérale osseuse comme critère du risque remonte à plus de dix ans.
Dès 1994, une étude américaine soulignait l’importance des paramètres cinétiques et morphologiques dans la survenue d’une fracture de la hanche (1). La comparaison des cas à des sujets témoins, victimes d’une chute n’ayant pas entraîné de fracture, fait apparaître un risque relatif (RR) de 5,7 pour la chute latérale, de 2,7 par diminution d’une déviation standard (DS) de la densité minérale osseuse, de 2,8 par augmentation d’une DS de l’énergie potentielle de la chute, enfin, de 2,2 par diminution d’une DS de l’indice de masse corporelle. Aspect important : le RR associé à la direction de la chute était parfaitement indépendant de la densité minérale osseuse. Les auteurs concluent déjà que cette mesure «passe entièrement à côté de certains facteurs de risque de fracture de la hanche».
(1) Greenspan SL, et al. « Jama » 1994 ; 271 (2) : 128-133.
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