COMME L’A RAPPELÉ le Pr Gabriel Coscas, le trachome est au début une simple kérato-conjonctivite due à Chlamydia trachomatis, germe qui n’a été découvert que récemment par deux chercheurs chinois et par le Pr R. Nataf en Tunisie. Ces conjonctivites à répétition survenant principalement chez l’enfant sont caractérisées par la présence de follicules et d’un pannus évoluant vers la formation de cicatrices et conduisant à terme vers la cécité.
On l’a dit, le trachome est particulièrement répandu en Afrique du Nord et subsaharienne, au Moyen-Orient, en Asie. Il frappe particulièrement les zones rurales où l’accès à l’eau est difficile et où la promiscuité et le manque d’hygiène individuelle et collective font le lit des vecteurs de la maladie (on sait que le trachome est transmis par les mains, les vêtements ou par les mouches qui se posent sur le visage d’un enfant infecté).
Le Pr Coscas reconnaît que des progrès notables ont été accomplis dans la lutte contre le trachome grâce à l’utilisation des antibiotiques : dans les années 1960, on dénombrait 500 millions de cas et 17 millions de cécités alors que, aujourd’hui, les statistiques officielles font état de 100 millions de trachomes et de 6,5 millions de cécités. Un succès, donc, mais qui, malheureusement, a été un peu démobilisateur, ce qui a laissé beaucoup de zones rurales à l’abandon alors que les villes avaient obtenu des éradications plus ou moins complètes.
Le projet « Vision 2020 ».
Ce constat a conduit l’OMS à élaborer le projet Vision 2020, projet qui, comme le souligne le Dr Serge Resnikoff (Genève), n’est pas une nouvelle organisation mais plutôt une mise en commun des moyens et infrastructures de l’OMS des pays concernés (30 des 45 touchés par la maladie participent au projet Trachomes et des ONG impliquées (plus d’une trentaine aujourd’hui).
Le Projet « Vision 2020 » ne porte pas que sur le trachome, ayant défini d’autres priorités : la cataracte, l’onchocercose, la cécité infantile, l’amétropie et la basse vision. L’objectif étant de lutter contre les causes évitables de cécité afin de se prémunir contre l’explosion prévisible du nombre de cas dans les années à venir : il faut savoir en effet que 80 % des cécités sont évitables et que le trachome en est un bon exemple, étant la 2e cause de cécité (15 % derrière la cataracte, 42 %). La stratégie Chance appliquée contre le trachome signifie CHirugie + Antibiotique + Nettoyage du visage + Changement de l’Environnement. L’antibiothérapie est en effet l’arme indispensable pour faire reculer la cécité due au trachome : l’apparition de l’azithromycine en prise unique per os a considérablement amélioré les performances de la tétracycline en pommade ophtalmique : spectre large et parfaitement adapté, demi-vie tissulaire très longue, excellente tolérance chez l’enfant. Fort naturellement, l’azithromycine per os est devenue le traitement de référence du trachome mais cette stratégie présente plusieurs inconvénients : émergence de résistances favorisée par un mésusage fréquent, difficulté de distribution et risque de contrefaçon, coût élevé.
Le projet T1225.
Ces inconvénients ont conduit les responsables de l’OMS à lancer un appel d’offres pour la mise au point d’un traitement topique à l’azithromycine, défi relevé par le Laboratoire Théa, premier groupe indépendant en Europe dans le domaine de l’ophtalmologie et qui est présidé par Henri Chibret, un nom connu de tous ceux qui ont approché l’ophtalmologie, l’ancêtre Paul Chibret ayant été le fondateur de la Société française d’ophtalmologie. La mise au point du T1225 n’a pas été un long fleuve tranquille car, d’une part, l’azithromycine ne s’est pas laissée facilement mettre sous forme soluble et, d’autre part, il a fallu élaborer des outils nouveaux pour analyser les concentrations du principe actif, non seulement dans les larmes, mais aussi dans la conjonctive.
Par la suite, pas moins de 5 études de phase I dont 2 études de tolérance comparant 3 concentrations ont permis de montrer que c’est la concentration à 1,5 % qui assure le meilleur rapport efficacité/tolérance. Le schéma le plus adapté aux essais cliniques est de deux instillations d’une goutte par jour pendant trois jours. Le nouvel antibiotique se présente sous forme de 6 unidoses stériles sans conservateur contenant un liquide transparent inodore et résistant aux conditions climatiques des pays concernés.
1 700 patients inclus dans des essais de phase III.
Le Pr Isabelle Cochereau (CHU d’Angers) et le Dr Pascale Pouliquen (directeur médical des Laboratoires Théa) ont raconté l’expérience des essais cliniques menés en Guinée et au Pakistan et qui ont permis d’allier les meilleurs standards méthodologiques dans des contrées très reculées de Guinée et du Pakistan. Les premiers résultats obtenus chez 670 enfants âgés de 1 à 10 ans ont établi que le traitement topique (deux gouttes par jour pendant trois jours) était aussi efficace et aussi bien toléré (au plan local et systémique) que l’azithromycine per os.
Cette nouvelle arme devrait donc permettre de mieux lutter contre le trachome, avec un coût de traitement (prix coûtant d’un euro environ). Henri Chibret s’est engagé à fournir le produit à prix coûtant aux pays touchés et aussi à effectuer des donations, « fidèles à la tradition » de la famille Chibret qui n’a jamais oublié les pathologies spécifiques des pays défavorisés, en particulier africains. Cela dit, on peut remarquer que les initiatives de l’industrie pharmaceutique (MSD contre l’onchocercose, Pfizer, Novartis... et aujourd’hui Théa) sont relativement peu médiatisées. Ce qui est d’autant plus dommage qu’il semble se confirmer que les structures officielles semblent toujours peu désireuses de financer la chaîne des médicaments dans le cadre des campagnes qu’elles lancent contre les pathologies oculaires.
Conférence des Laboratoires Théa
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