« L'AMPLEUR de la récupération fonctionnelle observée après la stratégie de combinaison est assez impressionnante », commente le Dr Naomi Kleitman, en sa qualité d'experte au National Institute of Neurological Disorders and Stroke (Ninds, NIH), qui n'a pas participé à ces travaux. « Les traitements évalués dans cette étude pourraient tous être administrés chez l'homme », ajoute-t-elle. « Le rolipram a déjà été testé en essais cliniques pour d'autres troubles, et les cellules de Schwann peuvent être développées à partir des nerfs périphériques des propres patients. »
Ce travail, mené par une équipe du Miami Project to Cure Paralysis à l'université médicale de Miami, est publié dans la revue « Nature Medicine ».
De précédentes études du projet de Miami ont montré que les greffes de cellules de Schwann favorisent la régénérescence des axones dans la lésion médullaire expérimentale. Toutefois, les fibres régénérées ne parviennent pas à quitter les greffons pour s'allonger au-delà du site de lésion. La raison de cet effet limité tient, selon toute probabilité, à l'environnement non permissif du SNC endommagé, qui abonde en molécules inhibant la croissance axonale.
Une nouvelle stratégie pour aider les neurones endommagés à surmonter les signaux inhibiteurs est d'élever les taux d'AMP cyclique (adénosine monophosphate cyclique). En effet, il a été démontré récemment que l'application d'AMPc (molécule de signal intracellulaire) près des cônes de croissance permet la croissance des axones à travers des environnements inhibiteurs.
Damien Pearse et Mary Bartlett Bunge, du Miami Project, ont développé une stratégie pour élever les taux d'AMPc et ont évalué son efficacité en combinaison avec la greffe des cellules de Schwann (CS) chez le rat.
Chute de l'AMPc après contusion.
Ils ont pu constater tout d'abord que, chez des rates soumises à une contusion modérée de la moelle épinière (niveau T8), les taux d'AMPc chutent nettement, dès le premier jour, dans la moelle épinière thoracique supérieure, le tronc cérébral et le cortex sensori-moteur. On peut imaginer que la chute de cette importante molécule de signal intracellulaire a des répercussions catastrophiques sur le neurone et pourrait donc être responsable, en partie, du décès neuronal et de l'incapacité à régénérer les axones.
Afin de contrecarrer la chute des taux d'AMPc après la lésion, les chercheurs ont administré du rolipram, un inhibiteur de la phosphodiestérase de type IV, enzyme qui dégrade l'AMPc. Le rolipram a été administré en sous-cutané pendant deux semaines, via une pompe implantée, en commençant soit immédiatement après la lésion, soit une semaine après.
Les chercheurs ont également évalué l'injection locale d'AMPc (en amont et aval du site de lésion), concomitante à la greffe de CS, effectuée une semaine après la lésion.
Dans leur étude, les rates avec contusion médullaire modérée (T8) ont ainsi été réparties en sept groupes :
1) pas de traitement (témoin) ; 2) rolipram immédiat ; 3) greffe de CS ; 4) greffe de CS avec AMPc ;
5) rolipram immédiat plus greffe de CS ; 6) rolipram immédiat plus greffe de CS avec AMPc ; 7) rolipram différé plus greffe de CS avec AMPc.
Survie et myélinisation des axones.
Les résultats sont nets.
L'administration immédiate de rolipram prévient la baisse d'AMPc dans le SNC. De plus, lorsque le rolipram est combiné à l'injection différée d'AMPc, les taux d'AMPc s'élèvent même au-dessus des taux normaux.
Le rolipram, en combinaison à la greffe des CS, favorise significativement la survie et la myélinisation des axones.
La trithérapie accroît davantage la survie et la myélinisation des axones, et favorise la croissance des fibres sérotoninergiques, non seulement dans les greffons, mais aussi, au-delà, dans la moelle épinière. Enfin, elle améliore de 70 % la fonction locomotrice des animaux. Les rates présentent une amélioration de la coordination, de la stabilité et du positionnement des pattes.
L'équipe envisage maintenant de répliquer l'étude, afin de confirmer ces résultats et de s'assurer qu'il n'y a pas d'effets néfastes, comme des douleurs. L'objectif, à terme, est de mener des essais cliniques ; la première étape pourrait être l'administration immédiate, après la lésion, du rolipram, dont l'innocuité a déjà été testée chez l'homme. Bien que moins efficace que la trithérapie, l'amélioration est néanmoins significative.
« Nature Medicine », 24 mai 2004, DOI : 10.1038/nm1056.
Le Miami Project
Le Miami Project to Cure Paralysis, situé à l'université médicale de Miami, est le plus grand centre de recherche polyvalente sur la lésion médullaire. Ce projet cofondé en 1985 par le Dr Barth Green, un éminent spécialiste du trauma médullaire, et Nick Buoniconti, un célèbre footballeur souhaitant accélérer la recherche après l'accident de son fils, réunit plus de deux cents chercheurs, cliniciens et thérapeutes qui ont pour mission de trouver des traitements plus efficaces pour la lésion médullaire, et, à terme, un traitement pour la paralysie après lésion médullaire. « Nous pensons que ces résultats représentent un réel espoir pour faire avancer notre science vers la clinique et aider dans un proche avenir ceux qui souffrent d'une lésion médullaire », déclare le Dr Dalton Dietrich, directeur scientifique du projet de Miami.
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