LA CARRIÈRE de « Kátia Kabanová », plutôt ralentie après sa création à Brno en 1921, semble s'implanter solidement en Europe après que Paris, Berlin et Glyndebourne ont ajouté à leur répertoire des productions aussi recommandables que l'époustouflant spectacle réalisé par le metteur en scène suisse Christoph Marthaler en 1998 à Salzburg. Il rendait pleinement justice à un des opéras, au même titre que le « Wozzeck » d'Alban Berg, les plus forts scéniquement composés au XXe siècle.
Réduite au lieu unique, la cour centrale d'un immeuble aux murs lépreux ressemblant en tous points à une HLM d'un pays communiste dans les années cinquante, l'action de ce drame bovarien slave inspiré de « l'Orage » d'Alexandre Ostrovski, est restreinte à l'essentiel tout comme l'avait souhaité Janácek en construisant sa partition avec une rare économie de moyens.
« Kátia Kabanová », opéra que Janácek encore soucieux d'économie réductrice aurait préféré nommer par trois astérisques, car « tout y est un jeu d'angles aigus et de lignes droites, et d'abord une intrigue dont la simplification va jusqu'à l'abstraction ».
Point ici de Volga, mais un curieux bassin dont les jets semblent réglés sur les pulsions sexuelles des protagonistes, où Kátia s'allonge pour sa noyade telle une Mélisande moderne qui, au lieu de jeter symboliquement sa bague à l'eau, s'y coucherait elle-même. Pas de chemins mystérieux dans le parc mais une armoire qui sert à remiser missels et bouteilles d'eau-de-vie et recèle la porte secrète par laquelle doivent passer les amoureux coupables. Et l'omniprésence étouffante des voisins dans cet immeuble où tout le monde se voit et s'espionne, ajoutent à l'angoisse de la situation.
En cela Christoph Marthaler, par une direction d'acteurs taillée au diamant, et Anna Viebrock en enfermant l'action dans ce lieu de malaise, ont réussi un des spectacles lyriques les plus forts que l'on ait pu voir ces dernières années.
Musicalement aussi l'entreprise est exemplaire avec une distribution sans faute, que l'Opéra de Paris reprendra quasiment inchangée, largement dominée par le soprano allemand Angela Denoke, grande voix claire, juste et droite qui donne au rôle introverti de Kátia des accents bouleversants et l'incroyable belle-mère au chignon tambour, la Kabanicha de l'Américaine Jane Henschel. Et, comme à Salzburg, c'est Sylvain Cambreling qui dirigera (1). Le DVD de la production salzbourgeoise filmée en direct au Festival (2) est disponible pour ceux qui manqueraient cette immanquable occasion.
(1) Opéra de Paris - Garnier (08.92.89.90.90) et www.operadeparis.fr, les 28 octobre, 3, 6, 9, 12, 16 et 19 novembre à 20 h ; le 31 octobre à 14 h 30. Prix des places : de 7 à 160 euros.
(2) 1 DVD TDK (distribution Intégrale) PAL 16 : 9, filmé au Festival de Salzburg en 1998. Durée 107 min. Sous-titrage en 5 langues.
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