QUI SONT les médecins urgentistes ? Comment sont-ils perçus par leurs confrères et comment se voient-ils eux-mêmes ? Comment travaillent-ils… ? Psychiatre de formation, le Dr François Danet a tenté de répondre à toutes ces questions par le biais d'une thèse de sociologie consacrée à « la professionnalisation de la médecine d'urgence ».
Lors du forum de la FPSH (Fédération de la permanence des soins hospitalière), ce chercheur a résumé ses travaux devant un public plus qu'averti : les urgentistes eux-mêmes. Le miroir qu'il leur a tendu – et dans lequel ils ont semblé se reconnaître – a d'abord fait apparaître une population originale à de multiples titres : sa composition (les urgentistes sont à 80 % des généralistes, à 9 % des anesthésistes-réanimateurs et à 11 % des pédiatres, psychiatres et autres «spécialistes du sujet global»); son activité (2 % seulement des situations cliniques accueillies dans les services d'urgence répondent à la définition de la médecine d'urgence) ; son organisation du travail. Sur ce point précis, le Dr Danet développe : «Il n'y a pas de division verticale du travail dans un service d'urgences. Il peut y avoir un bricolage de prédiagnostic par l'infirmier d'accueil, les médecins brancardent, un patient peut surveiller un autre patient… Ce travail déhiérarchisé est très étranger au monde hospitalier.» Et, pourtant, ironie du sort, le sociologue défend l'idée que «bien plus que la médecine spécialiste, la médecine d'urgence est une médecine hospitalière au sens étymologique du terme».
Retour aux sources.
Pourquoi ? Parce qu'elle accueille tous les patients dont, au fur et à mesure de sa construction, l'hôpital moderne a tenté de « se débarrasser », démontre François Danet en remontant… jusqu'au Moyen-Âge. «La médecine d'urgence fait revivre ce que les médecins s'étaient attachés à supprimer progressivement de leur pratique, des malades que l'hôpital n'a plus du tout accueillis entre, grosso modo, 1802 et les années 1960», fait-il valoir.
Avec les urgentistes entrent à nouveau à l'hôpital les « pécheurs », les « déviants », les malades polypathologiques – ceux que l'institution, bien rangée par « organes », ne sait pas prendre en charge et que la récente réforme de la tarification à l'activité (T2A) transforme en patients «non rentables».
Plongés tout seuls et sans recette dans un bain quasiment médiéval, les médecins urgentistes construisent leur propre réponse à la situation, constate François Danet. Ils s'inventent des systèmes de compréhension spécifiques, investissent les terrains politiques et sociaux ; ils trouvent des «voies de dégagement», ils «élaborent des mécanismes de défense par la construction d'un cadre de travail» (ce qui va jusqu'à un investissement personnel dans l'architecture et le décor des services).
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