La sécurité à long terme des stents actifs fait l’objet d’une controverse, « acutisée » en septembre 2006 lors du congrès de la Société européenne de cardiologie à Barcelone par la présentation des résultats de deux métaanalyses : une première indiquant un risque majoré d’infarctus du myocarde et de décès tardif par rapport à l’utilisation d’un stent nu, la seconde suggérant une augmentation de la mortalité non cardiaque avec ces endoprothèses. Avec deux mois de recul et l’analyse de nouvelles données, la sérénité semble retrouvée, même si le doute persiste.
UN STENT ACTIF est une endoprothèse permettant de délivrer au site de la dilatation coronaire une substance antiproliférative devant diminuer la prolifération des cellules musculaires lisses de la média et donc le risque de resténose. Les deux premiers stents de ce type disponibles en France ont été le stent Cypher recouvert de sirolimus, un agent cytostatique, et le stent Taxus, recouvert de paclitaxel, un agent cytotoxique.
Le développement clinique de ces deux stents a montré qu’ils permettent de réduire de façon importante l’incidence de la resténose angiographique à six mois : celle-ci est en moyenne de 33 % lors d’une angioplastie au ballonnet seul, de 16 % lors de l’implantation d’un stent nu, et chute à 5 % avec l’implantation d’un stent actif.
Cependant, la substance active est un agent pharmacologique qui ne fait pas que limiter la prolifération des cellules musculaires lisses, mais peut aussi diminuer la prolifération des cellules endothéliales, pouvant induire un retard ou un défaut d’endothélialisation de l’endoprothèse, prolongeant ainsi le contact du métal avec le sang avec son risque thrombogène spécifique. Par ailleurs, des réactions inflammatoires, immunologiques et/ou allergiques locales propres à la substance pharmacologique peuvent aussi avoir un effet thrombogène. Il existe donc un rationnel suggérant une augmentation du risque de thrombose lors de l’utilisation des stents actifs.
Les données.
Partant de ce rationnel, l’évolution des patients ayant eu une implantation de stent actif a été probablement plus surveillée que celle de patients ayant un stent nu, et il a régulièrement été rapporté des cas de thromboses tardives de stents actifs, c’est-à-dire survenant après le premier mois, soit de thromboses très tardives, c’est-à-dire survenant après le sixième mois. Ces thromboses tardives ont deux grandes caractéristiques : d’une part, elles sont dans plus de la moitié des cas responsables d’un décès ou d’un infarctus aigu du myocarde et, d’autre part, elles reconnaissent un facteur favorisant, puissamment corrélé, l’interruption peu avant d’un ou des deux éléments du traitement antiagrégant plaquettaire qui était prescrit chez ces patients (soit l’aspirine et une thiénopyridine, le plus souvent du clopidogrel). Les essais randomisés contrôlés comparant le pronostic de patients ayant eu un stent actif et ceux ayant eu un stent nu n’ont toutefois pas rapporté de différence d’incidence de thrombose entre ces deux types d’endoprothèse, tant lors du premier mois que lors du suivi plus prolongé.
Cependant une métaanalyse des essais thérapeutiques contrôlés et randomisés, présentée en septembre 2006, a indiqué que le risque de thromboses tardives de stents, évalué en prenant en compte les infarctus du myocarde et les décès, était plus élevé chez les patients ayant eu un stent actif que chez ceux ayant eu un stent nu : les auteurs indiquant que l’effet était dépendant du temps, nécessitant donc un recul suffisant, et que le recours à la métaanalyse était nécessaire, l’incidence des thromboses de stents étant en moyenne inférieure à 1,5 % avec les stents actifs. Une autre métaanalyse a par ailleurs rapporté un risque accru de mortalité non cardio-vasculaire avec ces stents, notamment par cancer et par infection, éléments supposés en rapport avec les effets immunologiques des substances utilisées.
Entre septembre et novembre 2006.
Ces deux métaanalyses, non encore publiées, ont été critiquées quant à leurs méthodes et modalités et ont eu plusieurs conséquences.
La FDA (Food and Drug Administration) aux Etats-Unis a été sollicitée pour émettre un avis sur le risque induit par les stents actifs et, dans une réunion tenue le 14 septembre, a indiqué qu’elle mettait en route une procédure d’analyse de l’ensemble des données disponibles afin d’émette un avis dans la première quinzaine du mois de décembre, tant sur le risque de thrombose de stent induit par les stents actifs que sur la durée d’utilisation de l’association d’aspirine et de clopidogrel.
Plusieurs experts se sont réunis en octobre à Washington afin de proposer une nouvelle définition de la thrombose de stent, afin que celle-ci fasse référence dans l’ensemble des travaux publiés et en cours sur le sujet.
Le taux d’implantation des stents actifs a diminué sensiblement aux Etats-Unis, passant de plus de 90 % à presque 80 % des angioplasties avec stent.
L’expression qui a prévalu lors de la discussion au cours de multiples sessions sur ce sujet lors de l’AHA 2006 est : « Il y a un signal indiquant un risque possible, mais pas de preuve d’un surrisque. » Ainsi, de nombreux auteurs ont présenté l’incidence de thrombose de stents actifs évaluée selon la nouvelle définition et ce tant dans les registres qu’ils coordonnent que dans les essais cliniques dont ils étaient investigateurs. Ces présentations ont par ailleurs souligné la limite de cette nouvelle définition : si la survenue d’un décès inexpliqué est retenue comme un critère indiquant une thrombose de stent, l’incidence de celle-ci va être surévaluée. De ce fait, seule semble importante l’analyse des essais cliniques randomisés et contrôlés comparant stents actifs et stents nus. Et, ainsi, Martin Leon, en reprenant les données individuelles (et non les seules moyennes publiées) des patients inclus dans les études ayant évalué les stents Cypher et Taxus, et en construisant les courbes de Kaplan-Meier reposant sur la nouvelle définition de la thrombose de stent, démontre qu’il n’y a pas de risque supplémentaire, avec un suivi allant jusqu’à quatre ans.
Il y a donc un signal indiquant qu’il pourrait y avoir une augmentation du risque de thrombose tardive du stent lorsqu’un stent actif est utilisé, mais pas de preuve formelle d’un surrisque, qui en l’état actuel des connaissances doit être relativement faible s’il existe.
En pratique
Dès lors, il paraît prudent pour les cardiologues interventionnels de réserver l’implantation d’un stent actif aux patients et aux lésions à plus haut risque de resténose, d’utiliser la longueur minimale efficace lors de l’emploi d’un stent actif (le risque de thrombose étant proportionnel à la longueur du stent) et de savoir si le patient qui doit être implanté aura prochainement une chirurgie à risque hémorragique élevé.
En outre, il semble utile que tout patient ayant eu un stent actif sorte du milieu hospitalier avec un courrier, pour lui-même et pour son médecin traitant, ce dernier devant être consulté le jour même de la sortie. Ce courrier devra préciser que le patient a eu un stent coronaire actif et indiquer que le traitement associant aspirine à thiénopyridine doit être maintenu pendant 3 à 6 mois, au minimum, et qu’il peut être prolongé au-delà s’il est bien toléré.
Il semble utile que la modification de l’association clopidogrel-aspirine chez les patients ayant eu un stent actif ne puisse être envisagée qu’au terme d’une confrontation dans laquelle le cardiologue doit pouvoir indiquer le risque encouru de thrombose de stent.
Nouvelle définition de la thrombose de stent
Thrombose confirmée
- Syndrome coronaire aigu.
- Et confirmation angiographique de thrombose ou d'occlusion ou confirmation anatomopathologique de la thrombose.
Thrombose probable
- Décès inexpliqué dans les trente jours.
- Infarctus du myocarde dans le territoire de l'artère coronaire revascularisée sans confirmation angiographique de la thrombose ou autre lésion coupable identifiée.
Thrombose possible
- Décès inexpliqué dans les trente jours.
ARC, octobre 2006.
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