Un cannabinoïde endogène réduirait les conséquences d'un traumatisme crânien

Publié le 04/10/2001
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Une voie nouvelle dans la prise en charge médicale des traumatismes crâniens se dessine peut-être à la suite de travaux menés par une équipe israélienne. David Panlkashvill et coll. (Jérusalem) se sont interrogés sur le rôle d'un cannabinoïde endogène, le 2-arachidonoyl-glycérol (2-AG), retrouvé dans le cerveau et sa périphérie après un traumatisme crânien.

A partir de travaux chez la souris, ils ont tenté de démontrer que cette substance possède une activité protectrice dans les suites de l'accident. Fonction impliquant le récepteur aux cannabinoïdes 1 (CB1).
Pour parvenir à la conclusion espérée, les chercheurs ont dû procéder en plusieurs étapes. Les travaux étaient menés chez des souris soumises à un traumatisme crânien (par chute étalonnée d'un poids) et chez des animaux contrôles.

Le 2-AG décuplé en quatre heures

Il a fallu, dans un premier temps, s'assurer de l'élévation du 2-AG dans les suites du choc. Effectivement, dans l'heure qui suit, par rapport aux souris contrôles, le taux augmente significativement. Il est décuplé à quatre heures. Même s'il décline ensuite, il reste sextuplé à la 24e heure. Enfin, chez les souris traumatisées, le 2-AG est plus élevé dans l'hémisphère cérébral atteint que dans l'hémisphère sain.
Seconde étape : s'assurer de l'effet positif du 2-AG sur les conséquences locales du traumatisme. Les auteurs ont synthétisé la molécule et l'on administrée aux rongeurs. Des doses de 0,1, 5 et 10 mg/kg puissance -1 ont été injectées quinze minutes après le choc. Quel que soit le dosage, la quantité d'eau contenue dans l'œdème post-traumatique est diminuée de 50 % à la 24e heure. Un score moteur et comportemental a été également pratiqué à une heure et vingt-quatre heures. Le premier des deux bilans est similaire dans les deux groupes de souris. En revanche, à un jour, les chercheurs relèvent une amélioration chez les rongeurs traités. Une précision : la molécule apparaît plus active sur l'œdème que sur le déficit moteur.
La mort neuronale post-traumatique est appréciée sur la zone infarcie. Le 2-AG en réduit le volume par rapport à une injection du seul excipient chez des souris témoins (5,6 ± 1,2 % contre 10,2 ± 1,1 % du volume cérébral total). Le nombre de neurones détruits a été évalué dans le secteur CA3 de l'hippocampe. Là encore, la molécule injectée en réduit le nombre par rapport au simple excipient.

Les trois glycérols

Explorant une autre piste, les Israéliens ont voulu tester l'action potentialisatrice du 2-palmitoyl-glycérol et du 2-linoleoyl-glycérol. Ces deux molécules accompagnent le 2-AG dans le cerveau des souris. Elles sont connues pour faciliter la relation de ce dernier avec les récepteurs cannabinoïdes CB1 et CB2. Alors que l'injection séparée de ces deux glycérols est sans effet, les auteurs notent une récupération plus rapide lorsqu'ils accompagnent le 2-AG. Amélioration prolongée jusqu'au 7e jour, lorsque l'injection des trois glycérols est renouvelée à vingt-quatre et quarante-huit heures.
Dernière preuve de l'action du cannabinoïde endogène : l'injection simultanée de l'antagoniste du récepteur CB1, le SR-141716A, inhibe de façon dose dépendante l'efficacité du traitement.
Restait à comprendre le mode d'action du 2-AG. Il est connu que ce cannabinoïde empêche la formation du Tumor Necrosis Factor-alpha (TNF-alpha) et de molécules réactives à l'oxygène (ROS) impliqués dans la destruction neuronale post-traumatique. Il est probable qu'à cela s'ajoute une baisse de la vasoconstriction, puisque le 2-AG se montre capable de prévenir les effets délétères de l'endothéline-1 (ET-1), le plus puissant vasoconstricteur connu.
Les auteurs concluent leur travail en précisant que « la neuroprotection exercée par du 2-AG exogène suggère qu'il peut servir de régulateur moléculaire des événements physiopathologiques, atténuant l'excitotoxicité et protégeant le cerveau durant le développement des complications secondaires. Cependant, en raison des fortes doses d'antagoniste du récepteur CB1 nécessaires au blocage de l'effet protecteur du 2-AG, une activité du 2-AG, non médiée par le CB1, ne peut être exclue ».

« Nature », vol. 423, 4 octobre 2001, pp. 527-531.

Dr Guy BENZADON

Source : lequotidiendumedecin.fr: 6982