Une équipe américaine vient d'élucider les fondements moléculaires d'un mécanisme nécessaire à l'implantation d'un embryon dans l'utérus : pour que son implantation soit possible, l'embryon doit préalablement entrer en contact avec une faible concentration d'anandamide, un endocannabinoïde sécrété par l'utérus. L'absence d'anandamide au niveau de l'utérus ou de son récepteur au niveau de l'embryon, ou encore une trop forte concentration d'endocannabinoïde dans l'organisme de la mère, empêchera l'embryon de s'implanter. Cette dernière observation permet d'expliquer l'association fréquente en clinique entre fausse couche et niveau d'anandamide élevé.
Il faut une synchronisation
Pour qu'une grossesse puisse se poursuivre à l'issue des étapes les plus précoces, il est absolument nécessaire qu'un mécanisme synchronise la maturation de l'embryon avec celle de l'utérus : le stade du développement durant lequel le blastocyste devient compétent pour l'implantation doit concorder avec le moment où l'utérus est réceptif à l'implantation. Les fondements moléculaires de ce mécanisme de synchronisation étaient jusqu'ici inconnus. Cependant, diverses observations avaient suggéré que l'interaction entre un récepteur à cannabinoïdes exprimé par les trophoblastes, CB1, et un endocannabinoïde produit par l'utérus, l'anandamide (N-arachidonoéthanolamine), pouvait être impliquée dans ce phénomène.
Wang et coll. (Vanderbilt University Medical Center, Nashville, Tennessee) ont cherché à vérifier l'existence du rôle de l'interaction CB1/anandamide dans le mécanisme conduisant à une synchronisation entre le développement de l'embryon et celui de l'utérus.
Une interaction entre CB1 et anandamide
Les chercheurs ont tout d'abord étudié le profil d'expression de CB1 dans des blastocystes de souris. Il est apparu que ce récepteur est très fortement exprimé dans les cellules trophoblastiques des blastocystes en dormance. Mais, lorsque l'embryon s'implante, la synthèse de CB1 s'arrête brusquement. De même, la production utérine d'endocannabinoïde cesse quand l'utérus est près à recevoir l'embryon. Cela conduit à l'hypothèse que l'interaction CB1/anandamide est nécessaire à la mise en compétence de l'embryon pour l'implantation, mais doit cesser une fois cette étape réalisée.
Wang et coll. ont poursuivi leur étude en s'intéressant à l'effet de l'anandamide sur les blastocystes en dormance qui expriment fortement CB1. L'activation des récepteurs à cannabinoïdes CB provoque généralement l'inhibition des canaux calcium et stimule la voie de signalisation des MAP kinase. Dans ce cas précis, Wang et coll. ont mis en évidence un effet dose dépendant de l'anandamide sur le récepteur CB1 et les voies de signalisation cellulaire qu'il contrôle : si la concentration d'anandamide est faible (7 nM), l'interaction ligand/récepteur conduit à une activation rapide des MAP kinases mais n'a aucun effet sur les canaux calcium. En revanche, si la concentration de l'endocannabinoïde est plus élevée (28 nM), les protéines kinases restent inactives, mais une inhibition de l'activité des canaux calcium est observée.
Les chercheurs ont enfin réalisé une série d'expériences au cours de laquelle ils ont tenté de réimplanter des embryons murins, sauvages ou mutants et préexposés ou non à l'anandamide, dans l'utérus de mères porteuses. Wang et coll. ont ainsi pu établir que seuls les embryons exprimant CB1 normalement et ayant eu un contact avec une faible concentration d'endocannabinoïde possèdent la capacité de s'implanter dans un utérus.
L'ensemble du travail de Wang et coll. implique donc que, d'une part, l'embryon est une cible naturelle pour les endocannabinoïdes et que, d'autre part, la fertilité féminine dépend notamment de la voie de signalisation cellulaire activée par les endocannabinoïdes.
H. Wang et coll., « Proc Natl Acad Sci USA », édition en ligne avancée, à paraître prochainement sur www.pnas.org
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