Un candidat formidable

Un candidat à la présidence bénéficie, au moins pour la durée de la campagne, de l'attention réservée aux hommes d'Etat. Même s'il n'a aucune chance d'être élu, il est constamment exposé aux sollicitations et à des questions, sur des sujets de tous ordres, auxquelles il faut bien qu'il donne des réponses intelligentes.

De ce point de vue, Noël Mamère, ex-irrévocable non candidat des Verts, apparaît comme le plus original des candidats. Compte tenu de leur nombre, c'est une performance remarquable. On peut mettre au défi l'opinion de deviner à l'avance ce qu'il va dire au sujet d'une crise, d'un conflit ou d'un problème. Au lendemain du 11 septembre - en cette époque lointaine où les Verts ne voulaient pas de lui -, il a condamné, comme il se doit, ...les Américains, parce qu'ils avaient l'intention d'attaquer l'Afghanistan. Ce comportement surprenant n'aura déconcerté que les imbéciles : dès lors qu'on réfléchit un peu, ce que M. Mamère fait infiniment plus vite que n'importe lequel d'entre nous, on voit bien qu'il n'existe jamais d'occasion où les Américains nous inspirent un peu de compassion, même quand des attentats font quelques milliers de morts parmi leurs civils.
Il faut donc accorder à M. Mamère toute l'admiration que mérite son fulgurant intellect. Qu'est-ce que l'oracle des Verts allait bien pouvoir dire sur les attentats de Jérusalem et de Haïfa ?
Invité par le Press Club de Paris à se prononcer, le candidat à la présidence a eu des paroles bouleversantes, d'où il ressort qu'il a compris ce que nous n'avions même pas subodoré et qui, énoncé par sa belle voix rassurante, devient tout à coup lumineux : « Le rêve de Sharon, a-t-il dit, est en train de se réaliser. »
Ne soyez pas bornés, ne commencez pas à critiquer M. Mamère avant d'avoir réfléchi. Le rêve de Sharon ? De faire sauter trois ou quatre bombes et d'avoir 30 morts et 220 blessés ? Serait-ce un coup de Sharon ? Non, voyez la suite : « En découdre avec le Hamas et avec le Djihad. » Bon sang, mais c'est évident ! Le machiavélique Sharon n'a qu'une idée en tête : se débarrasser des terroristes, obsession qu'il est le seul à nourrir en Israël, pendant que tous les Israéliens attendent sagement qu'on vienne les dépecer dans le bus qui les ramène de leur bureau. Bien entendu, le Hamas et le Djihad se contenteraient de planter des choux dans les territoires si Sharon ne favorisait pas leur entrée en Israël pour qu'ils y sèment des bombes à clous.
On est subjugué par une analyse de ce calibre, introuvable ailleurs ; et on se demande même comment les Verts ont pu un seul instant préférer l'irresponsable Alain Lipietz à un Noël Mamère aussi cartésien, rationaliste, humaniste. On se sent pauvre intellectuellement face à lui. Pauvre au point de sombrer dans la mendicité et de lui tendre la main en lui disant : « S'il vous plaît, M. Mamère, un mot pour les victimes. »