EN SEPTEMBRE 2005, un Somalien de 66 ans a été admis dans le service de médecine interne de l’hôpital de Rochester (Etats-Unis) en raison d’une perte de poids importante accompagnée de l’apparition d’un prurit incessant. L’examen clinique de cet homme, qui était arrivé deux années auparavant sur le territoire américain, ne retrouvait qu’un ictère, des lésions de grattage sur le tronc et l’abdomen, et des signes modérés de pathologie hépatique chronique. Le bilan biologique mettait en évidence les signes d’une pathologie hépatique (Asat : 139 UI/l ; Alat : 103 UI/l ; INR : 1,3) ; les sérologies ont retrouvé la présence d’anticorps antihépatite A de type IgG, des IgG antihépatite B, des anticorps antihépatite C, de l’ARN viral du virus C et un taux élevé d’alpha foetoprotéine. En revanche le test VIH était négatif.
Le scanner abdominal a montré une masse de 2,8 cm de diamètre siégeant au niveau du lobe hépatique droit à la jonction de la veine hépatique droite et de la veine médiane. Devant ce tableau clinique et paraclinique, les internistes de l’équipe du Dr Aditya Bardia ont évoqué la possibilité d’un développement carcinomateux hépatique secondaire à une cirrhose liée à une infection par un virus d’hépatite C. Mais l’origine de cette infection par le virus C était incertaine en l’absence de facteurs de risque habituels : transfusion sanguine, utilisation de drogues par voie intraveineuse, hémodialyse, promiscuité sexuelle ou pratique de tatouages.
Evacuer le mauvais sang.
L’interrogatoire plus poussé a permis de mieux comprendre l’origine de la contamination. Cet homme, en effet, avait l’habitude de pratiquer la moxibustion de certaines cicatrices, une pratique commune dans certains pays africains ou asiatiques. Il s’agit d’un traitement par la chaleur de certains points d’acupuncture par les instruments coupants ou des aiguilles chauffées qui peut être associé à la mise en place locale de cataplasmes d’armoise séchée (« moxa » en japonais), voire d’injection de décoction de cette plante. Le but de ce traitement est d’évacuer le « mauvais sang ». L’examen plus attentif du scanner abdominal a permis de détecter l’existence de gaz sous-cutanés dans la région des grands droits de l’abdomen, latéralisée à droite, qui pouvait être en rapport avec l’injection de décoction d’armoise.
Une biopsie hépatique a confirmé le diagnostic de carcinome hépato-cellulaire et le patient a été pris en charge par chimio-embolisation hépatique avec un résultat modeste.
Les auteurs ont ensuite analysé des registres de population de séropositifs pour le virus C aux Etats-Unis et confirmé que l’existence de rites de scarification était associée avec une majoration d’un facteur 2,8 du risque de positivité pour les tests sérologiques. Cette majoration du risque est même plus élevée que celle habituellement admise chez les pratiquants du piercing (risque doublé par rapport à la population).
« The Lancet », vol. 367, p. 1790, 27 mai 2006.
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