Un cancer dans l'enfance n'est pas un indicateur de risque pour la fratrie

Publié le 02/09/2001
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P LUS de 450 gènes associés à des cancers spécifiques ont déjà été identifiés à la fois par des études cliniques et épidémiologiques. Il s'agit principalement de gènes impliqués dans des syndromes familiaux à transmission autosomique dominante (neurofibromatoses de types 1 et 2, cancers du sein et de l'ovaire liés aux mutations BRCA1 et BRCA2...) et qui n'expliquent que 5 % des cancers. Reste donc à comprendre comment s'expriment et se transmettent les autres mutations géniques en cause dans les 95 % de cancers sporadiques restants.

L'étude, publiée dans le « Lancet », menée à partir des registres des cancers et de population de cinq pays nordiques (Danemark, Suède, Norvège, Islande, Finlande), a porté sur la prévalence et le type de cancers des frères et sœurs de personnes ayant survécu à un cancer dans l'enfance. L'objectif était de savoir si cet événement pouvait constituer un indicateur de risque.
Tous les cas de cancers rapportés chez des patients de moins de 20 ans depuis la création des registres (de 1947 à 1958 selon les pays) et jusqu'à décembre 1993 ont été consignés (n = 25 687). Ces cancers étaient classés en douze catégories principales, en accord avec la classification internationale des cancers de l'enfant. Les épidémiologistes ont ensuite recherché dans les registres nationaux de population la fratrie des cas index, toujours en vie, afin de connaître leur devenir. Les enfants adoptés et les demi-frères/sœurs étaient exclus de l'étude. Les cancers diagnostiqués dans ce groupe de 42 195 proches, indemnes de malignité au moment du cas index, ont été différenciés en fonction de leur âge de survenue. A savoir, dans l'enfance (0-19 ans) ou à l'âge adulte (après 20 ans).

41 % de cancers héréditaires

Dans la tranche d'âge des moins de 20 ans, 82 cas de cancers ont été répertoriés (contre 48 attendus) dont 41 % ont été estimés héréditaires. La plupart était du même type que le cas index, notamment chez sept sœurs jumelles et cinq frères jumeaux. La fréquence des tumeurs connues pour être associées à un syndrome héréditaire était nettement augmentée, allant jusqu'à un risque relatif de 500 pour le rétinoblastome. En éliminant les grands syndromes héréditaires qui prédisposent au cancer, le risque relatif de cancer n'était pas supérieur à celui de la population générale.
A l'âge adulte, 271 cas de cancers (contre 236 attendus), dont trois sœurs jumelles avec la même tumeur du SNC, ont été répertoriés. Les cancers de la thyroïde et les mélanomes étaient plus fréquents dans la fratrie des cas index souffrant de carcinomes ou de tumeurs épithéliales, en rapport avec un contexte de néoplasies familiales endocrines multiples. Les cancers du testicule à cellules germinales dans la fratrie d'un cas index porteur de l'affection étaient aussi significativement augmentés, suggérant une forme familiale de carcinome testiculaire.

Un lien avec une tumeur du SNC

Un certain nombre d'augmentations significatives de fréquence avec des tumeurs « non concordantes » a également été noté. Le constat le plus marquant est le lien entre une tumeur du SNC chez le cas index et différentes néoplasies chez l'adulte (cancer du sein, colo-rectal...). La majorité de ces associations a été expliquée, une fois encore par l'existence d'un syndrome familial de prédisposition au cancer. Pour quelques patients, néanmoins, le lien entre tumeur du SNC et tumeur endocrine n'a pu être fait.
En dehors des 25 % de cas de cancers dont l'origine héréditaire est connue, les cancers dans la fratrie ne présentaient pas d'association évidente avec la tumeur du cas index.
Au vu de ces résultats, les scandinaves estiment que jusqu'à 40 % des cancers survenant avant l'âge de 20 ans résulterait de mutations transmises par la lignée germinale. Pour tous les autres cas, la survenue d'un cancer dans l'enfance n'est pas, en soi, un indicateur de risque familial de cancer.

Jeanette Falck Winther et coll., « The Lancet », vol. 358, 1er septembre 2001.

Dr Catherine DESMOULINS

Source : lequotidiendumedecin.fr: 6958