« IL FAUTdévelopper cette médecine sans porte, cette médecine de rue qui va à la rencontre des gens, soutient Bernard Frachet, ORL à l'hôpital Avicenne de Bobigny et président de France Presbyacousie. Quelque 6 millions de personnes sont concernées par ce problème et pourtant peu d'entre elles le prennent en compte et cherchent à y remédier. A cela plusieurs raisons : un frein psychologique tout d'abord, les prothèses auditives sont toujours stigmatisées, et, obstacle économique, elles sont mal remboursées. Nous avons également vingt ans de retard sur nos collègues ophtalmologistes dans les domaines de la recherche et du traitement des effets du vieillissement. »
Au cours de la vie, les cils vibratiles subissent de nombreux traumatismes sonores. Cela commence dès l'adolescence avec l'usage des baladeurs, la musique en boîte de nuit, plus tard c'est l'environnement sonore au travail qui les malmène. Avec l'âge, se manifeste une chute de l'audition dans les fréquences aiguës, en revanche les sons graves résonnent. « Les pertes dans certaines zones créent un méli-mélo de sons, des détails manquent, il se produit comme un éblouissement, une hyperacousie. Il faut redonner les données manquantes. Les prothèses corrigent les distorsions, la rééducation auditive, la lecture labiale, joue, elle sur la plasticité du cerveau », explique Bernard Frachet.
La baisse de l'audition s'opère de manière insidieuse, s'installe sans qu'on s'en aperçoive. Pourtant, une perte de 20 à 40 dB qui prive de la compréhension des murmures, de la perception de certains éléments phonétiques, entraîne malentendus, incompréhension et difficulté à converser dans le bruit. A partir d'un déficit de 40 dB, seules les voix fortes sont entendues. La vie relationnelle devient compliquée, le repli sur soi fréquent. Un retrait aggravé par l'isolement et la vieillesse. La personne a le sentiment d'être rejetée, elle perd confiance en elle, vit dans l'insécurité et l'anxiété, s'enfonce dans la dépression. La malentendance a donc des conséquences sociales énormes qui vont s'aggraver avec le vieillissement de la population.
Un quart des plus de 60 ans.
Une enquête réalisée en 2003 par la Sofres, à la demande de France Presbyacousie, révèle que 26 % des personnes de plus de 60 ans déclarent souffrir de problèmes (et ce depuis plus de 9 ans !) mais que 29 % d'entre elles n'ont jamais fait contrôler leur audition. Trois millions de Français présentent un léger déficit, 1,8 million a une perte moyenne de 40 à 70 dB, 500 000 une baisse sévère, de 70 à 90 dB, 170 000 sont atteints de surdité profonde. Pourtant, seulement 15 à 20 % des personnes qui pourraient bénéficier d'une prothèse auditive en sont équipées.
Le bus de l'audition, animé par des professionnels bénévoles, est une initiative soutenue par une grande partie des fabricants d'appareils auditifs et des enseignes d'audioprothésistes ainsi que par le groupe mutualiste de protection sociale Mederic. Il se propose donc d'informer sur les risques auditifs et sur les solutions à la presbyacousie. Les visiteurs qui le souhaitent peuvent se soumettre à un dépistage et remplir un questionnaire, enquête dont les premiers résultats seront connus à la fin de cette année. Ainsi l'association France Presbyacousie apporte-t-elle sa pierre à la réalisation de l'objectif 68 de la loi de santé publique : « Réduire la fréquence des troubles de la vision et des pathologies auditives méconnues, assurer un dépistage et une prise en charge précoce et prévenir les limitations fonctionnelles et les restrictions d'activités associées à leurs conséquences ». Où l'on risque de découvrir que la presbyacousie, sérieux problème de santé, a été sérieusement négligée.
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