APRÈS-DEMAIN, le Conseil des ministres examinera le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (Plfss), qui a l'ambition de réduire le déficit de 11,5 à 8,9 milliards d'euros à la fin de 2006, dont 6,1 milliards pour la seule branche maladie (contre 8,3 milliards d'euros prévus fin 2005).
D'ores et déjà, le budget de la Sécurité sociale pour l'an prochain a essuyé un flot de critiques chez les administrateurs des caisses nationales des différentes branches (maladie, famille, vieillesse, recouvrement). Hormis la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf), qui a émis un « avis partagé », les autres caisses ont toutes rejeté le Plfss.
Le conseil d'administration de l'Acoss (la « banque » de la Sécu) a notamment jugé « indispensable que soient examinées les conditions de mise en œuvre d'un mécanisme automatique garantissant annuellement le respect (du) principe de compensation intégrale des exonérations de cotisations sociales » accordées aux entreprises pour favoriser l'emploi.
Hypothèses optimistes.
Surtout, le conseil de la Caisse nationale d'assurance-maladie (Cnam) a rendu « un avis défavorable » sur le projet de loi du gouvernement (« le Quotidien » du 7 octobre). Le président Cfdt de la Cnam a fait part des interrogations de son conseil sur « la pertinence des hypothèses, pour le moins optimistes, ayant présidé à l'élaboration des prévisions de recettes et dépenses sur la période 2007-2009, et donc sur les termes du retour à l'équilibre affiché pour 2009 ».
Michel Régereau souligne que « dans un souci d'égalité d'accès aux soins », les conseillers de la Cnam ont « exprimé majoritairement des refus et des réserves » au sujet de l'instauration d'un forfait de 18 euros à la charge de l'assuré pour des actes techniques d'un montant supérieur à 91 euros. « Cette mesure vise de fait des interventions chirurgicales importantes ou des actes à visée diagnostique qui ne sont pas réalisés à l'initiative du patient. Elle relève donc d'une approche purement comptable », poursuit le président de la Caisse nationale qui met en garde le gouvernement contre un probable « transfert de charges vers les ménages ou leurs complémentaires pesant ainsi sur les salariés et les entreprises ». Enfin, Michel Régereau note que, en dépit du ralentissement des dépenses en 2005, « des mesures structurantes permettant d'améliorer la coordination et l'organisation du système de soins autour de thèmes majeurs tels que le dossier médical personnel ou encore l'hôpital auraient mérité d'être renforcées ».
Le conseil central de la Mutualité sociale agricole (MSA, deuxième régime d'assurance-maladie après celui des salariés) a trouvé beaucoup de défauts au Plfss 2006. Il a dénoncé à la fois « la portée limitée des mesures relatives aux dépenses », « les incertitudes qui pèsent sur la réalisation des objectifs fixés » et « l'absence de toute solution pérenne au financement de la protection sociale des non-salariés agricoles ». Les administrateurs de la MSA voient dans le forfait de 18 euros « une réponse inadaptée, prise sans concertation, à un vrai sujet qui est celui du périmètre de prise en charge intégrale des soins par les régimes de base ».
Le spectre du comité d'alerte.
Par ailleurs, la CGT et la Cfdt jugent l'Objectif national de dépenses (Ondam) trop restrictif dans ce Plfss qui donne pour la première fois une perspective sur quatre ans (1). Fixé à + 2,5 % (2,7 % à périmètre constant) en 2006, l'Ondam ne devrait pas dépasser + 2,2 % en moyenne sur la période 2007-2009. Cela « ne peut conduire qu'à une dégradation du système de soins », selon la CGT, tandis que la Cfdt constate « un désengagement (programmé) de la dépense publique de santé » sans précédent. Dans un entretien avec « les Echos », le président de la Mutualité française a déclaré que l'Ondam 2006 lui paraissait « sous-évalué », d'où « le risque de déclencher le dispositif d'alerte prévu par la réforme, qui conduira l'assurance-maladie à proposer des déremboursements » en cas de dérapage des dépenses.
Tout comme Gilles Johanet, responsable des activités santé des AGF, Jean-Pierre Davant conteste l'affirmation du gouvernement selon laquelle le Plfss serait quasiment une opération blanche pour les complémentaires, les transferts de charge étant compensés par les économies du nouveau plan médicament. Le président de la Mutualité s'attend à « un surcoût net de plusieurs dizaines de millions d'euros », qui se répercutera sur les cotisations. Gilles Johanet prévoit pour sa part une hausse des cotisations des contrats collectifs d'AGF d'environ 9 % pour 2006.
Bien que le Plfss ait été accueilli froidement, le gouvernement a défendu son texte. Sur France 2, le Premier ministre a présenté comme une « mesure rationnelle » le forfait controversé de 18 euros et précisé que « six millions de personnes » en difficulté en seront exemptées (ALD, bénéficiaires de la CMU...). « On a visiblement besoin d'expliquer encore et davantage car il y a aussi des points importants favorables dans le Plfss », comme l'augmentation des aides à l'acquisition d'une complémentaire santé, a plaidé Xavier Bertrand sur Canal +.
Le débat va se poursuivre au Parlement dès la fin du mois.
(1) Conformément à la loi organique qui a réformé les lois de financement de la Sécurité sociale.
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