SURRÉALISTE ! s'est exclamé Henri Emmanuelli (PS) après l'annonce des grandes lignes du budget. Mais le qualificatif est applicable à tous les projets de loi de Finances, qui sont, pour l'essentiel, des exercices d'équilibriste. Le ministre de l'Economie a fait un travail de dentellière. Il a respecté (de justesse) le critère de Maastricht qui exige que la barre de 3 % de déficit ne soit pas dépassée. Il n'a pas pu toutefois éviter une hausse de la dette qui passe de 65,8 % du PIB à 66 % (Maastricht impose un plafond de 60 %) et un alourdissement de la pression fiscale qui passe de 43,9 % à 44 %. Reconnaissons-le : ce ne sont que des vétilles dans un climat marqué par le ralentissement économique ; mais elles montrent au moins que la réduction de l'impôt sur les revenus n'a pas vraiment entamé le poids des prélèvements obligatoires dans leur ensemble.
Optimiste sur la croissance.
M. Breton dit que le projet de budget est « sérieux » ; à quoi François Hollande répond que tout y est faux. Dans ce cas, aucun projet n'est vrai car il est impossible de connaître à l'avance les paramètres macroéconomiques de l'année à venir : M. Breton nous a semblé raisonnable, qui prévoit un baril de pétrole à 60 dollars, une inflation de 1,8 %, un solde lourdement négatif de la balance commerciale (35 milliards) et un euro à 1,23 dollar. Là où il est optimiste, c'est lorsqu'il prévoit une croissance comprise entre 2 et 2,5 %. Or il est peu probable que la croissance dépasse 1,5 % en 2005. C'est peut-être le handicap le plus lourd de ce projet, parce que de la croissance dépend la diminution des déficits, lesquels sont devenus la plaie béante de l'économie française.
NEUF CENTS MILLIARDS DÉPENSÉS POUR LA PROTECTION SOCIALE, MAIS LES FRANçAIS SONT MALHEUREUX
Tous nos problèmes sociaux viennent de ce que nous vivons au-dessus de nos moyens, comme l'a dit Thierry Breton au début du mois, donc de ce que nous dépensons plus que ce que nous gagnons. La gauche propose, sans trop la préciser, une stratégie fondée sur le traitement social du chômage et une taxation de l'épargne et des revenus élevés qui, compte tenu de l'état actuel de la pression fiscale, deviendrait impitoyable. La droite est accusée de faire le jeu des riches, alors qu'elle s'efforce plutôt de les ménager : car il est vrai que beaucoup d'énergie, d'intelligence et d'argent français s'expatrient.
Le débat est éternel, mais les cris stridents de la gauche, associés au fracas des mécontentements populaires, étouffent quelques vérités chiffrées qui démontrent facilement que nous ne sommes pas sous la coupe du capitalisme sauvage. Nous consacrons plus de 900 milliards d'euros aux prestations sociales, soit la moitié du produit national brut. Neuf cent milliards et 50 % de toute la richesse produite dans le pays qui vont à la retraite, à la santé et au chômage. Nous sommes les as de la redistribution.
Si peu d'heureux.
Mais de l'être ne nous rend pas heureux. Le drame vient de la contradiction qui existe entre l'effort colossal qui est consenti en faveur des chômeurs, des vieux, des malades, des handicapés, etc. et l'état presque insurrectionnel où se trouve notre si beau pays : mardi prochain, une grève générale et nationale va le paralyser ; mardi dernier, des marins de la Scnm détournaient un navire et en étaient délogés par le Gign ; même les polémiques sont excessives. Tant d'argent dépensé pour faire si peu d'heureux, voilà le problème. Et voilà aussi pourquoi d'autres Français, ceux qui n'ont pas la garantie de l'emploi, qui courent tous les risques, qui travaillent le plus, imaginent et créent des richesses, en ont assez d'être ponctionnés pour s'entendre dire que ce n'est pas assez.
En réalité, le peuple français dans son ensemble est moins malheureux qu'il ne le proclame. C'est la bipolarisation politique qui aggrave les ressentiments ; elle n'aide guère aux réconciliations. Jugez-en vous même : en moins de deux jours, des socialistes réclamaient la démission de deux ministres, dénonçaient le « coup de force » du gouvernement contre des marins (qui s'étaient pourtant livrés à un acte de piraterie), se moquaient du projet de budget. Scandale, escroquerie, mensonge, tout le vocabulaire du procès d'assises est utilisé. Rien d'étonnant si le peuple croit que tout va mal.
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