« BOURG TOURISTIQUE du Cantal (...) recherche médecin généraliste (fort potentiel). »
Cette petite annonce a été publiée dans nos colonnes à la fin du mois de juillet, à l'initiative du maire et de la pharmacienne du « bourg touristique » en question : Valuéjols.
« Un site exceptionnel au cœur de la planèze de Saint-Flour », expliquent les dépliants aux vacanciers de passage. « De rudes conditions hivernales : neige, congères, froid », ajoute un connaisseur. Cinq cents habitants éparpillés dans quinze villages. Un bureau de poste, une école, une banque, une pharmacie, une boulangerie, une épicerie, un débit de tabac, un salon de coiffure, un garage... Pas de médecin généraliste. Ou plutôt si, un médecin généraliste qui exerce à Valuéjols depuis six ans mais qui souffre, de son propre aveu, de gros « problèmes de santé », lesquels le contraignent à n'ouvrir son cabinet que de manière très sporadique - tout l'été, par exemple, les portes sont restées closes ; elles ne se sont rouvertes que lundi dernier. Difficile, dans ces conditions, de fidéliser une clientèle. Au fil des années, beaucoup d'habitants de Valuéjols ont donc déserté le cabinet du bourg et préféré aller se faire soigner plus loin. Cette situation, la petite commune, haut perchée sur son plateau du Cantal, n'entend pas la laisser se poursuivre.
Menaces sur la pharmacie.
Bien sûr, il y a pire en matière de déserts médicaux. Les médecins de Murat sont à 12 km de Valuéjols ; ceux de Saint-Flour à 14 km ; ceux de Neussargues à 12 km ; Clermont-Ferrand est à une heure de route. Il n'empêche. Valuéjols, qui a pu compter pendant plus de vingt ans sur la présence d'un médecin généraliste, ne veut plus s'en passer. Et la petite commune ne souhaite pas davantage que sa pharmacie qui - créée au début des années 1980 grâce à la présence d'un médecin - ferme ses portes. Or c'est bien, aujourd'hui, ce qui la guette : « Encore, cet été, il y a eu du va-et-vient. Mais le reste du temps, ce sont les gens âgés, ceux qui voient un médecin à domicile qui viennent chez moi. Les autres achètent leurs médicaments à l'endroit où ils consultent », explique, inquiète, Nicole Laumier, la pharmacienne.
La roue tournerait-elle, dans ce petit coin du Cantal ? Le contraste avec ce qui s'est passé, il y a vingt ans, quand un jeune généraliste enthousiaste, le Dr Jacques Ferrari, a monté de toutes pièces un cabinet à Valuéjols, est en tout cas saisissant. « J'ai galéré trois mois, se souvient-il, et puis ça a marché. Je faisais deux tiers de consultations, un tiers de visites, j'avais beaucoup de clientèle pédiatrique. (...) Je crois que j'ai même créé un petit appel de population : après moi, un garage, une coiffeuse se sont installés. » Pourquoi, si tout allait si bien, le Dr Ferrari s'en est-il allé sous d'autres cieux - il est aujourd'hui médecin-conseil dans une autre région -, cédant sa clientèle à l'actuel généraliste de Valuéjols ? « Parce que le service que je rendais à la population, je n'aurais pas pu le rendre plus longtemps. J'étais émoussé. J'ai exercé à Valuéjols pendant seize ans. Pendant cinq ans, j'ai même travaillé jour et nuit, sans vacances ni rien - après, un système de garde s'est mis en place et je n'étais plus sur le pont qu'un week-end sur trois. »
Plus direct, un responsable de l'Ordre départemental fait l'analyse suivante : « A Valuéjols, on est seul. Ce médecin, qui faisait beaucoup d'actes gratuits, est parti parce qu'il a craqué sous la demande des gens. C'est un peu le drame des médecins de campagne, ils n'ont jamais un instant de liberté et même s'ils ne sont pas de garde, on sait toujours où sonner pour les trouver. »
Pourtant, plusieurs années après avoir changé de vie, le Dr Ferrari n'est pas tout à fait remis de son départ de Valuéjols : « Je regrette, dit-il, car en partant, j'ai cassé mon joujou, mon bébé. »
Trop peu ou pas assez.
Une clientèle presque trop importante pour un seul médecin (le Dr Ferrari l'avait évaluée à 2 700 personnes) mais insuffisante pour deux : voilà l'équation dans laquelle s'embourbe Valuéjols. Et la maladie du successeur du Dr Ferrari n'a malheureusement rien arrangé. Peu à peu disséminés parmi les clientèles des généralistes des villes environnantes, les habitants de Valuéjols n'y sont pas forcément accueillis à bras ouverts. « Ce serait utile qu'il y ait un médecin là-bas, estime l'un de ces praticiens, car nous sommes obligés d'y monter très régulièrement. » Or à Saint-Flour, Murat ou Neussargues, ce n'est pas le travail qui manque. Les médecins vieillissent, partent à la retraite (ou partent tout court), sans être remplacés. « Sur le secteur, pour la garde, avant on fonctionnait à huit. Aujourd'hui, nous ne sommes plus que six », explique le Dr Brigitte Fakani-Berton, installée à Neussargues. « L'avenir est sombre », assène un généraliste de Murat.
La population, certes, fuit le Cantal - « le département perd trois habitants par jour, notre secteur de Saint-Flour en perd un par jour », rappelle-t-on au conseil départemental de l'Ordre - mais il semble bien que les médecins désertent plus vite encore.
Alors, Valuéjols n'en démord pas : il lui faut un nouveau généraliste. « Nous l'attendons comme le messie », insiste la pharmacienne. « Nous lui avons trouvé un local ; nous lui cherchons un logement », renchérit le maire, Roger Charbonnel. Jacques Ferrari, le créateur du cabinet, lui aussi, milite pour que « Valu », ainsi qu'on dit dans le pays, ait son médecin : « Un cabinet est viable. Il faut quelqu'un qui ait un peu la niaque et qui n'ait pas envie, évidemment, de passer ses week-ends à faire du shopping - à Valuéjols, on fait des économies, c'est l'intérêt... » En six semaines, une dizaine de candidats à l'installation ont contacté la mairie, dont beaucoup de médecins à diplôme étranger. Pour l'instant, sans suite.
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