Quand le médecin généraliste de Guern (Morbihan), installé depuis huit ans, a annoncé son départ pour Saint-Malo, « ça a créé une énorme dépression dans la commune », selon les termes de Yves Perez, maire du bourg.
Mille cinq cents habitants, une population vieillissante, une situation en zone rurale dans un département aux sous-effectifs médicaux notoires, tout était réuni pour un rapide déclin. Le maire de Guern, qui aime répéter que « les quatre piliers nécessaires à la vie d'un village sont la boulangerie, la poste, l'école et le médecin », n'a pas baissé les bras : « Pendant un an, nous avons fait la chasse au docteur dans les communes avoisinantes. » Sans grand succès. Mais Yves Perez ne désarme pas, et, se rappelant opportunément que Guern est une « cybercommune », reliée au Net (1), il charge son webmaster de lui trouver des adresses de sites médicaux. « Nous avons envoyé des mails partout », se souvient Yves Perez, qui a également fait constituer un dossier sur sa petite ville pour susciter des vocations chez les éventuels candidats.
Le cabinet refait à neuf
Les quatre premiers ne donneront pas suite, puis, au mois de novembre dernier, le maire reçoit un appel du Dr Helmut Cézanne, un Allemand dont la famille est d'origine française, et qui exerce son art à Dundee, en Ecosse. Le Dr Cézanne est marié à une Française, et tous deux souhaitent aller vivre en France depuis qu'est née leur première fille. « Pour convaincre un médecin de venir s'installer chez nous, nous avions refait à neuf le cabinet existant (dont les murs appartiennent à la mairie), précise le maire, et la Mutualité du Morbihan a fourni tout le matériel, c'était le prix à payer. » C'est ainsi que le Dr Cézanne vient passer une journée à Guern, histoire de repérer le terrain, et décide rapidement d'y rester.
Helmut Cézanne ne cache pas sa satisfaction : « La municipalité a bien fait les choses pour ma femme et moi. Un cabinet médical neuf et mis gratuitement à ma disposition, l'accueil de la population est excellent. Ils nous ont même trouvé la maison que nous voulions, avec une grande cheminée, à cinq minutes du centre. » Le Dr Cézanne s'exprime dans un français impeccable, mais avec une pointe d'accent qui ne laisse guère de doute sur ses origines. Et ne s'émeut pas outre mesure du fait que, après un an sans médecin en ville, sa clientèle potentielle a bien été obligée de se faire soigner par d'autres médecins : « Ce n'est pas un problème insurmontable ; cela fait un mois et demi que nous sommes installés à Guern, et actuellement je fais entre six et douze actes par jour. Ce n'est pas énorme mais c'est suffisant pour l'instant, et comme en plus j'ai une spécialité de phytothérapeute, je compte bien gagner de nouveaux patients avec ça. De plus, nous jouissons d'une grande qualité de vie au quotidien, et nous n'éprouvons pas le besoin de partir en vacances. Ma famille a beau être historiquement originaire du sud de la France, nous n'avions pas envie d'y retourner car ce n'est pas une région suffisamment rurale à notre goût. »
Pour l'instant, fraîchement débarqué d'Ecosse, Helmut Cézanne ne fait pas encore de gardes mais connaît déjà leur fréquence : « Je serai de garde un jour par semaine et un week-end toutes les cinq à six semaines, ce qui sera un rythme très raisonnable. » Le Dr Cézanne est également bien au fait de la situation démographique de certaines zones de la France rurale : « Guern a pu retrouver un médecin grâce au dynamisme du maire, qui est devenu un ami. Mais je suis bien conscient de ce qui se passe dans beaucoup d'autres endroits, et le gouvernement devrait mettre en place des incitations fiscales ou financières. »
Le maire, à juste titre, n'est pas peu fier d'avoir ramené un médecin dans sa ville : « Depuis que les médias parlent de nous, je n'arrête pas de recevoir des coups de fil de municipalités qui veulent savoir comment je m'y suis pris pour faire ça ; c'est simple, il faut se retrousser les manches, la vertu est dans l'action ! »
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