«ØPERSONNELLEMENT, je ne fais pas de cardiologie interventionnelle. Mais quand je discute avec des confrères qui pratiquent cette activité, ils sont d’accord avec moi pour estimer que la loi HPST ne présente pratiquement que des inconvénients », constate le Dr Christian Zicarrelli, président du Syndicat national des spécialistes des maladies du cœur et des vaisseaux (SNSMCV).
Votée en 2009, sous l’impulsion de Roselyne Bachelot, alors ministre de la santé, la loi Hôpital, patients, santé et territoires (HPST) a modifié en profondeur le système de santé, notamment en créant les Agences régionales de santé (ARS). Cette loi a aussi renforcé le pouvoir des directeurs des hôpitaux ce qui, on s’en souvient, a suscité lors du passage de la loi au Parlement un vaste mouvement de protestation des médecins hospitaliers. « Ce mouvement était justifié. Nos collègues du public doivent maintenant faire face à des directeurs aux pouvoirs très étendus. Et on ne peut que déplorer la perte de pouvoir de la commission médicale d’établissement (CME) », souligne le Dr Ziccarelli, qui dénonce « une marginalisation globale » des médecins aussi bien dans le secteur public que privé. « Cela faisait déjà longtemps que les Agences régionales de l’hospitalisation (ARH) n’avaient pratiquement plus que les directeurs de cliniques comme seuls interlocuteurs. Cette tendance s’est aggravée avec la mise en place des ARS. Désormais, les médecins n’ont plus les moyens de faire entendre leur voix ».
Pour le président du SNSMCV, cette volonté de donner les « pleins pouvoirs » aux ARS pose problème. « Au niveau du syndicat, nous sommes déjà montés au créneau à plusieurs reprises sur ce thème. Aujourd’hui, les ARS sont totalement décisionnaires sur les ouvertures ou les fermetures de centres ou d’unités de soins intensifs de cardiologie (USIC). Or, on sait très bien que sans une USIC, un centre de cardiologie interventionnelle ne peut pas fonctionner. Par exemple, nous avons eu des gros problèmes dans le Nord où l’ARS avait déplacé une USIC et voulait fermer un centre de rythmologie. Même chose à Caen où un centre de rythmologie était également menacé de fermeture dans une clinique. À Toulouse, c’est un centre d’angioplastie qui était dans le collimateur. Enfin, en Champagne-Ardennes, ils voulaient obliger les cardiologues à aller travailler en milieu hospitalier alors que ces derniers s’étaient mobilisés pour rendre leur clinique très performante », énumère le Dr Ziccarelli.
Ce dernier se dit aussi préoccupé par la possibilité désormais donnée aux cliniques de salarier les praticiens libéraux. « C’est très ennuyeux car cela risque de donner un pouvoir colossal aux cliniques, et surtout aux grands financiers qui en sont propriétaires. Par exemple, les établissements privés pourraient très bien à l’avenir salarier les radiologues. Cela ne serait pas sans conséquences pour les cardiologues interventionnels qui risqueraient de ne plus recevoir les honoraires entrant dans le cadre de leur activité. Je pense en particulier aux honoraires d’imagerie, les 4Y, que les cliniques pourraient récupérer directement », s’inquiète le Dr Ziccarelli.
Le problème de l’adressage.
La loi HPST a aussi permis la mise en place de Communautés hospitalières de territoire, qui réunissent un certain nombre d’hôpitaux sous la houlette du CHU et de médecins référents. « Là encore, cette évolution fait peser une menace sur l’activité de la cardiologie interventionnelle dans le privé. Auparavant, en effet, les petits hôpitaux, qui ne pratiquaient pas cette activité, travaillaient souvent en lien avec des cliniques en leur adressant des patients. Aujourd’hui, on constate que ces patients sont orientés vers les centres hospitaliers pouvant réaliser ces actes de cardiologie interventionnelle. Pour les patients pris en charge par le SAMU, cela fait des années que nous dénonçons le fait qu’ils sont systématiquement détournés vers les hôpitaux publics. L’adressage vers les cliniques a chuté de façon considérable, ce qui n’est pas normal. Dans les centres privés, il y a des gens d’astreinte et de garde 24 heures sur 24. C’est un manque d’égalité, y compris pour les patients qui devraient avoir le droit de pouvoir être orientés vers l’établissement et l’équipe médicale de leur choix. Or, même quand un patient demande à être adressé à une clinique, il est le plus souvent orienté vers l’hôpital. Si on ne réagit pas face à ce problème, à terme, la cardiologie interventionnelle en milieu libéral risque d’être gravement menacée », fait valoir le Dr Zicarelli.
Au final, le président du SNSMCV ne voit qu’un seul avantage à la loi HPST : la possibilité d’instaurer une mutualisation des moyens entre le public et le privé. « Je sais que les cardiologues interventionnels sont, en majorité, favorables à cette évolution qui pourrait, si elle est conduite de manière intelligente, stabiliser un certain nombre des problèmes que nous avons évoqués précédemment »,estime le Dr Zicarelli.
D’après un entretien avec le Dr Christian Zicarrelli, président du Syndicat national des spécialistes des maladies du cœur et des vaisseaux (SNSMCV).
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