C’était il y a un peu plus de dix ans. La loi du 13 août 2004, relative à l’assurance-maladie, avait alors instauré une mesure-phare : la mise en place du médecin traitant. Avec une volonté de donner à ce praticien un « rôle central dans l’orientation et le suivi du patient tout au long de son parcours de soins ».
Dix ans après, le bilan de cette réforme importante est un peu mitigé. C’est en tout cas le constat que fait la Cour des Comptes dans son rapport annuel, publié en février 2013. Selon la Cour, cette volonté de réorganiser le système de soins, autour du médecin traitant et du parcours de soins coordonnés, « est loin d’être réalisée ».
Une adhésion rapide
Premier constat : les Français ont très vite adopté ce nouveau dispositif. Ce qui, selon la Cour des Comptes, « n’était pas acquis, dans un domaine aussi sensible que l’organisation des soins où l’échec du carnet de santé proposé en 1996 est resté dans les mémoires ». Dès mai 2006, près de 80 % des assurés du régime général avaient déjà déclaré un médecin traitant. Un pourcentage qui n’a ensuite cessé de croître pour atteindre pratiquement 90 % aujourd’hui. Sans véritable surprise, dans leur quasi-totalité (95 %), les assurés ont désigné un généraliste. Quant à la part des consultations effectuées dans le respect du parcours de soins coordonnés, elle est passée de 87,2 % en 2008 à 91 % en 2011.
Ces chiffres s’expliquent peut-être par le comportement vertueux des patients mais aussi, sans doute, par la majoration progressive du ticket modérateur pour ceux n’ayant pas désigné de médecin traitant ou ceux consultant en dehors du parcours de soins coordonné. Comme le note la Cour, cette majoration est rapidement devenue de plus en plus lourde puisqu’elle a quadruplé dans les trois ans ayant suivi la mise en œuvre du dispositif, passant de 10 % à 40 %. Quand il consulte un généraliste de secteur 1, le reste à charge d’un assuré, sans médecin traitant, est ainsi de 70 % du tarif de la consultation, soit 16,10 euros (9,20 euros s’il a une complémentaire). Le patient, avec un médecin traitant, n’aura un reste à charge que de 30 %, soit 6,90 euros (0 euros s’il a une mutuelle).
Pour assurer ce rôle de médecin traitant, les généralistes sont rémunérés à hauteur de 40 euros par an pour chaque patient en affection de longue durée (ALD). L’avenant conventionnel n° 8 du 25 octobre 2012 a aussi généralisé un forfait annuel de 5 euros pour chacun des autres patients. « C’est un dispositif nettement moins cohérent que celui du médecin référent [de 1998 à 2004, NDLR] qui prévoyait un forfait annuel de 45 euros pour chaque patient. Cela donnait au généraliste les moyens d’assurer véritablement cette mission de coordination des soins », souligne le Dr Claude Leicher, président du syndicat MG-France. « L’instauration du médecin traitant était sans doute la plus importante réforme structurelle instaurée au cours des dernières années dans le système de santé, ajoute-t-il. Mais au final, elle n’a fait qu’alourdir la tâche des généralistes sans leur donner les moyens de remplir les objectifs visés par la réforme. »
Des effets paradoxaux
De son côté, la Cour des Compte estime que la réforme est aujourd’hui « inaboutie ». « Malgré le rôle pivot que visait à donner au médecin traitant la mise en place du parcours de soins coordonnés, celui-ci souffre du manque de relations formalisées entre les médecins », souligne la Cour, en ajoutant que la réforme a produit de curieux paradoxes. « Ainsi les médecins spécialistes en ont-ils davantage bénéficié financièrement que les généralistes, alors que ces derniers étaient censés être la clé de voûte de la nouvelle organisation », indique la Cour. Selon elle, les problématiques tarifaires ont « prévalu » sur la question « pourtant centrale du contenu médical effectif du parcours de soins, dans un contexte où les considérables retards de conception et de mise en place du dossier médical personnel ont privé le médecin traitant de l’outil qui lui est indispensable ».
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