LE PRINCIPE du dépistage organisé du cancer colo-rectal est acquis en France depuis la conférence de consensus de l’Anaes (Agence nationale pour l’accréditation et l’évaluation en santé) de 1998 et la loi de financement de la Sécurité sociale de 1999. Suivant les recommandations de l’Anaes, les autorités sanitaires ont opté pour une mise en place progressive selon un cahier des charges précis et des évaluations réalisées de façon régulière. Le dispositif repose sur la réalisation d’un test de détection de sang occulte dans les selles (Hémoccult) tous les deux ans chez les personnes âgées de 50 à 74 ans. Elles sont invitées à se rendre chez le généraliste de leur choix pour se faire remettre le test qu’elles effectuent à leur domicile et envoient dans un centre de lecture. En cas de test positif, le médecin généraliste prescrit une coloscopie. Le cahier des charges prévoit une relance avec envoi du test par La Poste aux personnes qui n’ont pas répondu à la première sollicitation. La coordination du programme est confiée à une structure de gestion qui assure l’envoi des invitations, le suivi des personnes dépistées et se charge d’organiser des séances de formation des médecins. Les données qu’elle recueille sont envoyées à l’InVS, l’organisme chargé de l’évaluation du programme au niveau national.
Dans 23 départements.
Le bilan que publie l’Institut tient compte des données disponibles fin 2004 pour les 22 premiers départements pilotes. Les données concernant les Alpes-Maritimes, 23e département à faire partie du dépistage organisé (DO) depuis 2005, ne font pas partie de l’analyse.
Depuis le début du programme, 2 700 000 personnes ont été invitées à participer au dépistage, soit 66 % de la population cible. Le nombre de personnes à avoir réalisé au moins un test de dépistage était, au 31 décembre 2004, de 680 000 (269 969 hommes et 348 845 femmes). L’impact du programme mesuré par le taux de participation est de 33 % pour les départements qui avaient plus de douze mois d’activité et invité plus de 80 % de leur population. Les experts considèrent qu’un taux d’au moins 50 % est indispensable pour observer une diminution significative de la mortalité par cancer colo-rectal. Le taux calculé dans les départements pilotes reste insuffisant, même s’il est meilleur chez les femmes que chez les hommes. Cependant, il devrait «s’améliorer avec la durée du programme», indiquent les auteurs.
Les indicateurs de qualité du programme sont, eux, conformes aux références internationales. Le pourcentage moyen de test non analysable, variable d’un département à l’autre, est de 3,4 % en moyenne (de 1,1 à 6,6 %). Dans certains départements, des problèmes logistiques ont pu être mis en évidence : dépassement de la date de péremption en raison de problèmes d’acheminement des tests au centre de lecture par La Poste ou de fermeture du centre pendant une période trop importante. Plus significatif, le pourcentage moyen de tests positifs est évalué à 2,7 %, alors que les références internationales le situent entre 2 et 3 % en début de programme.
Le taux de tests positifs qui ont été suivis d’une coloscopie est de 78 % pour 2002 et 2003. Sur les 11 578 coloscopies réalisées pendant les trois ans de l’étude, 96 % l’ont été de façon complète ( cæcum atteint) avec un taux moyen de complications graves nécessitant une hospitalisation de 0,5 ‰ (de 0 à 4,15 ‰). Compte tenu de la référence internationale estimée à moins de 1 ‰, le résultat est plutôt satisfaisant, d’autant plus que les 4,15 ‰ ne concernent qu’un département qui vient de commencer le dépistage et portent sur un nombre d’actes réduit. Le taux moyen de coloscopies sans polypes ni cancer est de 54 %, avec 2 départements qui n’ont enregistré aucun cancer (le Calvados et la Moselle) et trois autres, moins de 10 cancers. La moyenne des taux de cancer pour 1 000 personnes dépistées est de 1,4 %, alors que, selon la littérature, il devrait se situer en début de programme entre 1 ‰ et 2 ‰. Le taux d’adénomes dépistés est en moyenne de 2,9 ‰. La valeur prédictive positive (VPP) qui mesure la capacité du test à détecter les personnes ayant des lésions est de 31 % pour un adénome, ce qui est en conformité avec les références internationales qui le situent entre 30 et 40 %. La VPP pour un adénome de plus d’un centimètre est de 22,5 % et de 9,3 % pour un cancer.
Difficultés logistiques.
Les résultats qui devront être consolidés dans le temps, notamment en ce qui concerne la participation, ne remettent pas en cause la poursuite du programme. Cependant, une enquête par entretiens téléphoniques, réalisée auprès des 22 médecins coordinateurs entre avril et juin 2005, fait apparaître des difficultés d’organisation et de logistique qui devront être corrigées. «Bien que les départements aient été sélectionnés en 2002, le démarrage effectif des programmes s’est étalé sur 2003 et 2004», signalent les auteurs. Si sept départements ont démarré moins d’un an après l’accord national, six ont dû attendre entre treize et dix-sept mois et huit ont démarré plus de dix-huit mois après. Les raisons sont multiples : attente de budget – dans la majorité des cas, les structures ont démarré, sans attendre les budgets de l’assurance-maladie qui ont été mis à la disposition des départements dans des délais compris entre moins de trois mois à plus d’un an ; choix des fournisseurs ; développement des outils nécessaires – fichiers des personnes âgées de 50 à 74 ans incomplets ou envoyés tardivement, avec nécessité d’un contrôle pour éviter les doublons, la sollicitation de personnes décédées ou qui ont déménagé. En ce qui concerne l’implication des médecins généralistes, la rémunération forfaitaire par paliers de tests réalisés qu’ils perçoivent «n’est pas considérée comme un moteur indispensable à leur participation, mais comme symbolique et comme une reconnaissance de leur travail», précisent les auteurs . Quelque 19 000 d’entre eux devraient être sollicités dans les départements pilotes. Cependant, une sensibilisation des autres professionnels de santé (médecins du travail, pharmaciens, gynécologues et anatomopathologistes) apparaît essentielle pour une meilleure participation de la population. De même, les auteurs soulignent le rôle des associations et celui des médias. «Le relais dans la presse locale n’est pas toujours suffisant et systématique. Il est absent dans un département sur trois», notent-ils.
Enfin, ils suggèrent que le programme s’appuie sur le dépistage organisé du cancer du sein : «La mutualisation des moyens de gestion est un avantage tant au niveau du partage des locaux, du personnel, que de l’expérience.»
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