MALGRÉ son caractère très actif, la recherche en imagerie est depuis longtemps en attente de reconnaissance et de structuration. « Des années auront été nécessaires pour que l'imagerie ne soit plus considérée comme un simple outil, mais comme une voie de progrès à part entière. Ce fut un combat difficile », rappelle le Pr Grenier. La mise en place en 2007, par Christian Bréchot, du Programme national de recherche (PNR) en imagerie avait conduit à une véritable reconnaissance de cette discipline et donné lieu à un recensement des structures existantes. En effet, si cette recherche est bien représentée en France, elle a pour inconvénient majeur d'être très dispersée au sein des instituts, des universités et des CHU. Quelque 43 équipes impliquées exclusivement dans la recherche fondamentale en imagerie avaient ainsi été identifiées : 14 au CNRS, 3 à l'INRIA, 1 au CEA et 8 universitaires. Sans compter les nombreux radiologues des services des CHU qui participent à ces programmes et, surtout, en assurent le caractère « translationnel », c'est-à-dire le passage du fondamental à la clinique. Ce dernier point est, bien sûr, essentiel et d'ailleurs tout à fait reconnu par l'ESF (European Science Foundation), qui a publié, il y a quelques mois, des recommandations pour soutenir le développement d'une recherche pluridisciplinaire et tournée vars la clinique.
Un appel à projets plébiscité.
L'appel à projets lancé par le PNR en 2007 avait été couronné de succès et, sur les 71 projets reçus, 7 avait été financés dans ce cadre, tandis que deux autres avaient été soutenus par la Société française de radiologie, partenaire du programme. Le principal intérêt de ce PNR n'était pas tant son niveau de financement, somme toute modeste, que sa capacité à structurer cette thématique en rassemblant tous ses acteurs. « Le PNR en imagerie a aujourd'hui été suspendu par la nouvelle direction de l'INSERM et nous sommes aujourd'hui dans l'attente de ce qui pourrait le remplacer, poursuit Nicolas Grenier ; de son côté, le CNRS a pris l'initiative de monter un groupe de recherche (GDR) en imagerie, qui aurait pu être intégré au PNR en son temps et qui tentera d'en animer les activités scientifiques. Nous sommes aujourd'hui à un tournant de la discipline et nous avons un fort besoin de reconnaissance par un programme de recherche"en imagerie" qui n'aura de corps que s'il est inscrit dans le programme de l'ANR (Agence nationale de la recherche). »
Au service des patients.
Au-delà d'une participation au financement de la recherche, par le biais d'appels d'offre, un tel programme pourrait, en fédérant les différentes structures existantes, constituer un interlocuteur privilégié auprès des institutions nationales et internationales tout comme des industriels. Et, parmi ses nombreuses missions potentielles, il pourrait aider au rapprochement des équipes travaillant sur des thématiques proches, ainsi que des équipes de recherche et des services cliniques, afin que, in fine, les patients puissent bénéficier le plus rapidement possible des progrès réalisés.
De très nombreuses avancées concrètes sont en effet attendues de la recherche en imagerie, qui est en pleine phase d'expansion : progrès technologiques, avec, par exemple, des scanners de plus en plus performants ou le recours aux hauts champs magnétiques, des produits de contrastes de plus en plus spécifiques, la radiologie interventionnelle, l'imagerie fonctionnelle, notamment en oncologie. « Dans ce domaine de l'oncologie, il faut notamment souligner le développement des techniques d'analyse de la vascularisation des tumeurs qui permettent d'évaluer l'efficacité des nouveaux traitements antiangiogéniques, les nouvelles approches de thermothérapie, avec la radiofréquence ou l'utilisation des ultrasons focalisés guidés par IRM, qui autorisent le traitement des tumeurs sans pénétrer la peau », note le Pr Grenier. Les ultrasons focalisés sont utilisés depuis plusieurs années pour traiter certains cancers prostatiques. Le guidage par IRM, avec mesure en temps réel de la température, constitue une avancée majeure, qui permettrait à terme d'envisager une extension de ses indications dans diverses tumeurs, au niveau du sein, de l'utérus, du foie ou du rein.
Imagerie moléculaire.
Autre domaine qui suscite un fort engouement : l'imagerie moléculaire, que l'on peut définir comme « imagerie des processus biologiques explorés in vivo en temps réel ». Il ne s'agit pas à proprement parler d'un nouveau concept, puisque cette approche est déjà utilisée en médecine nucléaire, notamment dans la tomographie à émission de positons (TEP). L'idée est de mettre en évidence, par l'intermédiaire de nouveaux traceurs, une perturbation d'un processus biologique à l'échelon cellulaire ou moléculaire et non plus sa conséquence anatomique, une tumeur, par exemple. Il est, par exemple, envisageable, et cette voie est déjà explorée chez l'animal, de caractériser les phénomènes inflammatoires dans des tissus pathologiques, comme la paroi vasculaire athéromateuse (plaques actives ou « à risque »), la substance blanche du cerveau (plaques de démyélinisation), en ciblant par l'imagerie des facteurs biologiques impliqués dans ce processus (plaquettes, cellules monocytaires, récepteurs membranaires exprimés, etc.). En oncologie, il est possible de caractériser in vivo le phénotype de certains types tumoraux en ciblant les récepteurs exprimés par ces cellules avec un impact pronostique et thérapeutique important (cancers du sein, par exemple).
Certains de ces travaux, toujours chez l'animal, utilisent une imagerie fondée sur des traceurs optiques, qui pourrait avoir un jour des applications cliniques dans l'exploration de certains tissus superficiels, comme le sein ou la prostate.
Mais de telles applications nécessitent de développer des traceurs qui ciblent ces processus biologiques - cellules, récepteurs, protéines, enzymes - et qui soient spécifiques d'une ou de plusieurs techniques d'imagerie. « Ce sera sans doute là l'un des principaux écueils rencontrés avec ces nouveaux développements car les démarches de validation nécessaires à leur mise sur le marché est "extrêmement lourd",équivalent à celui des médicaments », conclut le Pr Grenier, ce qui risque d'en limiter considérablement l'impact.
> Dr ISABELLE HOPPENOT
* Service d'imagerie diagnostique et interventionnelle de l'adulte, groupe hospitalier Pellegrin, Bordeaux.
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