LES ÉQUIPES du Dr Aleksander Edelman (directeur de l'unité Inserm 845, centre de recherche croissance et signalisation), du Dr Jean-Pierre Rousset (institut génétique et microbiologie, Cnrs/université Paris-XI) associées à celle du Dr Isabelle Sermet-Gaudelus (unité Inserm 845, hôpital Necker - Enfants-Malades/université Paris-Descartes/AP-HP Paris) ont montré que l'état de santé de certains patients atteints de mucoviscidose et présentant un type très particulier de mutation du gène CFTR pourrait être amélioré par un antibiotique, la gentamicine. L'amélioration clinique ne serait pas liée directement à l'effet antibactérien de la molécule, mais à ses capacités à entraîner la réexpression d'une protéine absente chez les malades.
La mucoviscidose est liée à la présence de mutations dans le gène Cystic Fibrosis Transmembrane Conductance Regulator (Cftr). Plus de 1 500 mutations de ce gène ont été recensées. Seulement 10 % d'entre elles correspondent à l'apparition d'un codon stop. Dès lors que certains antibiotiques de la famille des aminoglycosides, telle que la gentamicine, peuvent contribuer à faire réexprimer des protéines inactivées par l'existence de codons stop, les chercheurs français ont proposé d'étudier l'effet d'un traitement par gentamicine.
L'essai a porté sur neuf patients atteints de mucoviscidose et portant diverses mutations non-sens sur le gène CFTR. Dans un premier temps, par un test en culture, ils ont découvert que seule une mutation particulière du gène, Y122X, principalement détectée chez des patients originaires de l'île de la Réunion, permettait d'obtenir un taux de translecture élevé. Les patients ont ensuite été traités par perfusion intraveineuse de gentamicine pendant quinze jours.
Réexpression de la protéine précédemment absente.
Un bénéfice significatif sur les capacités respiratoires a été obtenu chez six des patients. L'amélioration thérapeutique était en rapport avec la réexpression de la protéine précédemment absente chez ces patients. En revanche, aucun des patients porteurs d'une mutation non-sens autre que Y122X ou porteurs d'une mutation d'un type différent, n'a vu son état clinique modifié. La simple réalisation d'un test in vitro pourrait permettre de dépister les malades les plus à même de bénéficier d'un traitement par gentamicine.
Reste la question de la toxicité de cet antibiotique qui peut être à l'origine de néphropathies ou de surdités. D'autres molécules au mode d'action comparable et dont l'utilisation entraîne moins d'effets indésirables, pourraient être testées dans les prochains mois (PTC124 ou amikacine), afin de préciser si leur potentiel thérapeutique est aussi significatif que celui de la gentamicine.
Les auteurs concluent que «cette méthode pourrait constituer l'étape initiale dans la mise au point de traitements efficaces pour des personnes atteintes de mucoviscidose ou d'autres pathologies à codon stop».
« BMC Medicine », 30 mars 2007.
Les codons stop ou codons non-sens
Certaines affections génétiques – dont celles qui peuvent conduire à la mucoviscidose – entrainent la synthèse de protéines tronquées et inactives : on parle alors de maladies à « codon stop » du nom du codon non-sens, un triplet de bases qui signale la fin d'un message génétique sur un ARN messager. Le condon non-sens ne correspond à aucun acide aminé et la traduction de l'ARNm en protéine cesse donc à partir de ce codon.
Depuis quelques années, une nouvelle voie thérapeutique originale est développée pour lutter contre ces maladies. Pour déjouer l'effet des mutations, par le biais d'un mécanisme de translecture qui permet de poursuivre la synthèse protéique jusqu'au codon stop suivant, il est possible d'utiliser des antibiotiques de la famille des aminoglycosides qui permettent de réexprimer les protéines inactives en les rendant à nouveau fonctionnelles.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature