L’ézétimibe

Un bénéfice clinique modeste, incomplet mais significatif

Publié le 26/01/2015
Article réservé aux abonnés

Depuis sa mise à disposition, il y a une dizaine d’années, l’ézétimibe, molécule diminuant l’absorption intestinale du cholestérol et diminuant ainsi le LDL cholestérol de 15 à 20 %, est devenue une molécule controversée. En effet, au terme de plusieurs essais thérapeutiques évaluant son effet sur des critères intermédiaires (comme l’épaisseur intima-média carotide), il a été envisagé qu’elle ne permette pas de diminuer le risque d’événements cardiovasculaires (CV) majeurs et n’aurait pas d’utilité clinique. Une seule étude importante, l’étude IMPROVE IT (Improved Reduction of Outcomes : Vytorin Efficacy International Trial), permettant de connaître son effet clinique avait été débutée depuis 10 ans, le fait que son résultat soit sans cesse repoussé contribuait à nourrir la polémique.

Méthode

L’étude IMPROVE IT a été un essai thérapeutique contrôlé, mené en double aveugle contre placebo dans 1 158 sites de 39 pays.

Pour être inclus, les patients devaient avoir eu un syndrome coronaire aigu dans les 10 jours précédents la randomisation et avoir LDL inférieur à 1,25 g/l ou, inférieur à 1 g/l s’ils recevaient déjà une statine. Après arrêt de la statine qu’ils prenaient éventuellement, tous les patients devaient recevoir de la simvastatine à 40 mg/j. Ils étaient alors randomisés pour recevoir soit de l’ézétimibe à 10 mg/j soit du placebo.

Après amendement survenu en cours d’étude, il a été prévu d’inclure 18 000 patients et de continuer l’essai jusqu’à ce que 5 250 patients aient eu un événement du critère primaire comprenant les décès CV, les IDM non fatals, les réhospitalisations pour angor instable, les revascularisations coronaires après les 30 premiers jours et les AVC.

Une réduction des événements du critère primaire

L’étude a inclus 18 144 patients dont le LDL était en moyenne à 0,95 g/l lors du syndrome coronaire aigu. Durant l’étude, dans le groupe sous placebo, le LDL a été abaissé en moyenne à 0,69 g/l et dans le groupe sous ézétimibe à 0,54 g/l.

Au terme d’un suivi moyen de 7 ans il est survenu 5 314 événements du critère primaire et l’étude a montré que, comparativement au placebo, l’ézétimibe permet une réduction significative des événements du critère primaire (HR : 0,936 ; IC 95 % : 0,887-0,988 ; p = 0,016) et une réduction significative des IDM (HR : 0,87 ; p = 0,002) et des AVC ischémiques (HR : 0,79 ; p = 0,008). En revanche elle ne modifie pas le risque de revascularisation coronaire (HR : 0,95 ; p = 0,107), de décès CV (HR : 1,00 ; p = 0,997) ou de décès toute cause (HR : 0,99 ; p = 0,782).

Sous ézétimibe, par rapport au placebo, il n’y a pas eu d’augmentation des événements indésirables graves : taux de cancers de 10,2 % dans les 2 groupes, taux d’élévation des CPK, des myopathies, myalgies et rhadbomyolyses de 0,6 % dans les 2 groupes et taux d’élévation des enzymes hépatiques de 2,5 % sous ézétimibe et 2,3 % sous placebo (p = 0,43).

L’étude IMPROVE IT est importante pour plusieurs raisons. Jusqu’ici, dans la prise en charge des paramètres lipidiques, un bénéfice clinique n’avait été démontré que lorsqu’est utilisée une statine. Bien que dans des études déjà anciennes, un bénéfice avait aussi été observé avec le gemfibrozil, l’absence de bénéfice observé lors de l’utilisation de divers autres hypolipémiants avait fait considérer que les statines avaient potentiellement un effet bénéfique spécifique ne passant pas exclusivement par la diminution du LDL.

En démontrant qu’une autre molécule qu’une statine peut diminuer le risque cardiovasculaire en diminuant le LDL, l’étude IMPROVE IT rappelle que le LDL cholestérol est bien un facteur de risque CV modifiable, dès lors que sa diminution est obtenue avec une molécule sans effets indésirables graves. L’ézétimibe répond à ces deux dernières conditions : elle diminue le LDL et n’a pas d’effet indésirable grave, elle diminue donc le risque d’événements CV majeurs et son utilisation est justifiée.

Cependant, ce bénéfice est faible avec une réduction relative du risque de seulement 6 %, dont la pertinence clinique peut donc être discutée, mais qui est significative, et ce, parce que l’étude a permis de totaliser plus de 5 000 événements du critère primaire.

Ensuite, ce bénéfice est imparfait parce que seuls les IDM et les AVC sont diminués sans modification du risque de revascularisation coronaire et des décès CV. Toutefois ce résultat imparfait peut être imputable soit à la molécule, soit à la faible diminution du LDL soit au fait que les patients avaient déjà un LDL très bas à l’inclusion.

Enfin, bien que ce résultat soit imparfait, il est réel concernant les IDM et les AVC et rend compte que, même chez des patients ayant un LDL inférieur à 0,70 g/l il est encore bénéfique de diminuer plus encore le LD. Ceci témoigne du caractère arbitraire des seuils et cibles lipidiques d’intervention jusqu’ici proposés.

Dunkerque

Cannon CP. IMPROVE-IT Trial : A Comparison of Ezetimibe/Simvastatin versus Simvastatin Monotherapy on Cardiovascular Outcomes After Acute Coronary Syndromes. Late Breaking clinical trials, session 2, Anti-Lipid Therapy and Prevention of CAD

François Diévart

Source : Congrès spécialiste